Une charpente archaïque en deux parties

 

 

Vingt-quatre mille planchettes de mélèze... posées à joints croisés!

 

 

Avec un pureau de 1/3: triple recouvrement vertical

 

 

 

PETIT GLOSSAIRE à l'usage des curieux

Tavaillons: bardeau de bois en Savoie

Bardelier: nom assez récent d'un metier très ancien

Essendole: bardeau de bois en Dauphiné

Pureau: partie apparente du bardeau qui recoit la pluie

Faitage en lignolet : les bardeaux dépassent le faitage du côté opposé aux vents dominants

UNE BOUTEILLE DANS LE TOIT!

Sous le toit a été plaçé une bouteille renfermant les noms des bardeliers, des propriétaires et la date de la pose - le "billet du mort" - la durée d'un toit posé à l'ancienne dépasse les soixante-dix ans.du fait de l'utilisation de bardeaux fendus qui résistent à la pénétration de l'eau.

 

Au mois de mars 2003: les tavaillons ont bruni et le toit se fond dans le paysage.


 


Tavaillons

Pas facile de poser une nouvelle couverture sur une charpente archaïque. Eh oui, elle est bien archaïque cette charpente et même doublement archaïque puisqu'elle réunit deux parties élevées à quelques dizaines d'années d'intervalle pendant le XIX ème siècle. Ce toit à deux pans est, d'après l'excellent ouvrage "Patrimoine en Isère- Pays de Domène" caractéristique du début du XIXème et la forte pente de cette toiture garde le souvenir des matériaux anciens; à savoir le chaume et le bois qui ont totalement disparu depuis cette époque. Ce fut au profit de matériaux minéraux, métalliques ou synthétiques à l'aspect immuable comme la tuile ou la tôle pour ne pas parler de ce fibro-ciment honni. Quel dilemme et quel paradoxe de vouloir refaire à l'ancienne la couverture d'une maison de pierres laissées apparentes. Du chaume? pas question: ça prend feu - de plus, pour respecter la tradition - il eut fallu, nous dit-t-on, utiliser de la paille de seigle totalement introuvable! Aussi, en désespoir de cause, nous sommes nous jetés dans les fils de la toile de ce web tant décrié et avons nous trouvé l'homme de la situation en la personne de François Ferry, Compagnon du Devoir devant l'Eternel - et surtout tenant du titre de bardelier. Enfin, couvrir en bois était possible et c'était une chance car seulement quelques Compagnons avaient su retrouver depuis quelques années ce savoir-faire ancestral.

Regardons ces toits de bois aux écailles chatoyantes qui jouent avec la lumière du soleil... Quelle étrange simplicité dans les bardeaux qui seront assemblés pour couvrir et protéger la maison contre les intempéries: une simple planchette de bois de courte longueur; elle est obtenue en fendant sur deux faces un billot de mélèze. On le devinera: ce mélèze-là n'a pas poussé n'importe où et n'importe comment: il est de droit fil ni senestrose ni dextrose pour ne pas se déformer avec les variations d'humidité. (cf "Toits de bois en Europe" de Thierry Houdart aux éditions Maîade). Chêne ou châtaignier aurait pu convenir; le mélèze résineux a, dit-on, des vertus antimousse intéressantes pour la partie nord-est du toit, peu exposée au soleil. Nous n'en dirons pas plus si ce n'est que les vingt quatre mille bardeaux de 10 cm de large sont assemblés en lignes horizontales parfaites sur une longueur de 16 mètres; ils se superposent 3 fois en épaisseur et tous les joints sont croisés: quel savoir-faire incroyable ont donc nos amis bardeliers!

Du cuivre recouvre la cheminée: le ruissellement de l'eau de pluie ne fera pas de trainées sur le bois.

Autre pays, autres tavaillons. En Finlande, un toit en écorce de bouleau.

 

 

 

Et le clocher de l'église qui date du moyen-âge à Örkelljunga, en Suede, a été recouvert de tavaillons.