"Sous l'Arbre de Vie, les racines les plus profondes nourrissent les pousses du printemps".
Beaux Cousins!
Si vous le voulez bien, avant de retrouver la saga récente de notre famille, parlons de cette terre de Bretagne. L'Histoire enseignée à l'école républicaine a longtemps été oublieuse des racines propres de chacune des provinces françaises. On peut, sans nostalgie, aimer se dire breton et peut être même simplement vouloir comprendre comment et pourquoi la seule région française à porter son propre nom est la Bretagne!
Anciens vestiges d'une civilisation disparue.
Quel était ce peuple qui habitait à l'origine sur une terre porteuse de si anciens vestiges aux noms bretons? A la société polymathique du Morbihan on ne s'étonne pas que des archéologues aient adopté le breton pour désigner ces blocs de granit curieusement répartis dans la nature. Ces gros cailloux ne sont pas tombés du ciel! Leur présence a depuis longtemps intrigué les bretons curieux d'en connaître l'origine.
Selon la légende, ils étaient l'oeuvre de petits démons, les crions. A une certaine époque, cette version de leur origine n'a plus satisfait la raison. En 1727, le président de Robien, père de l'Archéologie bretonne, avait trouvé intéressant de dessiner avec minutie l'immense menhir de Locmariaquer le Mane er Hroeh "la butte de la Fée" : il imagina par quels moyens une telle masse rocheuse de 350 tonnes avait pu être érigée. Il était évident que la mise en place de ce mégalithe datait de fort longtemps. Bien après son élévation, cet audacieux édifice s'était effondré sur quelques villas gallo-romaines imprudemment construites à son pied par des intrus qui sans vergogne avaient foulé la terre sacrée de quelque peuple primitif. En quelque sorte, cet éboulement archivait deux époques très anciennes...
Du fait de la terminologie adoptée, le pays de Vannes apparaît souvent comme la terre des mégalithes. Mais ce n’est pas une spécificité bretonne car on en trouve autant sinon plus en Ardèche et en Aveyron. En sortant de l'Hexagone nous pourrions constater que ces monuments ne sont pas particuliers à la France. Ils vous attendent, en Europe, en l'Espagne ou même en Scandinavie à moins que ce ne soit en Corée , Assam, Tibet, Dekkan, Palestine et au Maghreb!
Un passé mystérieux
Retournons au pays de la "petite mer", au Morbihan et plus précisément arrêtons nous à Er-Lannick. A cet endroit, la vue d'un cromlec'h' plongeant dans le mer interpelle le visiteur. Ceci montre qu'au moment de l'édification des mégalithes le niveau de la mer était inférieur au niveau actuel. La découverte d'un autre cromlec'h proche, englouti à sept mètres de profondeur, apporte la preuve que le phénomène d'immersion des terres fut très important. C'est ce qu'ont pu confirmer les géologues en estimant que ce phénomène se serait produit sur tout le littoral du continent européen au cours du deuxième millénaire avant Jésus-Christ. On peut supposer que nos vénérables ancêtres assistèrent impuissants à l'engloutissement de leurs lieux de culte. Il faut peu d'imagination pour retrouver l'angoisse et la détresse qui furent les leurs au spectacle de la montée inexorable de la mer qui engloutissait leur lieux de vie, marée après marée, saison après saison. Rien ne fut épargné. Les sépultures, lieux sacrés de repos des morts pour l'Eternité, n'échappèrent pas à une telle catastrophe. Ils ne pouvaient rien contre ce désastre. Quelle était donc la Toute Puissance qui provoquait ces malheurs? Pouvait-on l'implorer pour relier de nouveau les vivants et les morts?
Une religion première.
Dame! Ces vestiges datent du Vème au III ème millénaire avant Jésus-Christ. Les travaux patients des ethnologues, des archéologues et des géologues ont permis de donner un certain éclairage sur les us et coutumes de ces peuplades primitives. On a pu établir qu'elles étaient originaires des rives de la Méditerranée et qu'elles s'étaient étendues en Europe. Ayant constaté un certain parallélisme entre les civilisations égéennes et hispaniques avec la civilisation mégalithique, les archéologues ont pu redonner un sens aux gravures trouvées sur leurs monuments. Ils ont ainsi établi que ces monuments avaient un caractère religieux. On y retrouve notamment la représentation d'une déesse dont les attributs en font une déesse de la fécondité par la multiplication des seins et des bras. La place de la même déesse dans les tombes en font, par ailleurs, une déesse funéraire chargée, semble t-il, de relier les vivants et les morts. Ajoutons que le caractère guerrier est également présent par le port d'une hache montrant sans doute que pour cette déesse la vie quotidienne n'était pas un long fleuve tranquille!
Malgré l'oubli, il est difficile d'affirmer que ce culte nous soit totalement étrangèr. A bien observer nos moeurs, il semble bien que nous perpétuons certaines croyances ou rites venus de la nuit des temps.
Le culte des morts existe toujours sous différentes formes. En Bretagne, l’implantation d’ossuaires dans certaines églises montre à quel point le culte des morts était important dans les siècles passés. Ce culte des morts tente de s'estomper avec l'éparpillement symbolique des cendres funéraires aux quatre vents comme pour célébrer à chaque décès un Mercredi des Cendres qui nous rend à la Nature. Mais alors, que dire de tous ces mémoriaux édifiés pour lutter contre l'oubli de nos Vénérables Anciens ?
Le culte des pierres subsiste dans ces menhirs en béton et en acier qui rivalisent de hauteur. Certains sont même habités comme pour nous rapprocher du ciel. Comme leurs prédécesseurs ils défient la pesanteur qui nous plaque au sol.
Le culte de l'eau s'est "thermalisé" pour devenir une célébration du bien-être réservée plutôt aux oisifs. Nous célébrons beaucoup moins les sources et les fontaines d'une eau désormais mise en tuyau et même prisonnière dans des bouteilles. Pourtant, l'abondance de l'eau ne chasse pas complètement en Europe la peur d'en manquer. La prise de conscience de la disette du tiers monde nous rappelle que la pureté de l'eau, source de vie, est à préserver.
Le culte des arbres semble se prolonger dans l'application formelle d'un protocole de protection des forêts. Il s'est imposé pour la préservation de la qualité de l'air tout aussi indispensable à la vie que peut l'être celle de l'eau. Quelle belle découverte !
La terre, devenue planète, est restée notre mère à tous.
Allons nous mettre un N majuscule au mot nature? Les Druides seraient-ils de retour?
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Êtes-vous sûrs, Chers Cousins, d'avoir totalement oublié la survenue des bouleversements terrestres subis par nos ancêtres?
Si vous ne l'avez pas fait je vous invite, avec Jean Markale, à lire le treizième chapitre du célèbre ouvrage de Selma Lagerôf : Nils Holgersson.
"Il y avait jadis au bord de l'eau une ville appelée Vineta. Elle était si opulente et si heureuse que jamais cité ne fut si magnifique; malheureusement, ses habitants s'adonnèrent au luxe et à l'arrogance. En punition la ville de Vineta fut submergée par une violente marée et engloutie dans la mer... Mais ses habitants ne pouvaient plus mourir et leur ville n'avait pas disparu pour autant. Une fois tous les cents ans, elle surgit des flots dans toute sa splendeur et reste à la surface pendant une heure... Mais, l'heure écoulée, elle s'enfonce de nouveau dans la mer à moins qu'un des marchands n'ait vendu quelque chose à un être vivant."
C'est la damnation d'une ville tombée dans la luxure. La légende se poursuit : aucun être vivant n'a pu acheter quelque chose à ces habitants muets. Ils n'ont point d'argent pour le faire. Alors la ville retourne dans les flots sans que vivants et disparus n'aient pu communiquer entre eux. En fait, personne ne voit plus Vineta bien que certains contemporains cherchent obstinément à la retrouver.
Jean Markale qui rapporte cette légende scandinave, remarque que l'on situe la ville de Vineta proche des terres celtiques submergées à la fin de l'âge de bronze c'est à dire à la même époque que celle de l'engloutissement des cromlec'hs d'Er Lannick. On peut alors, avec cet auteur, penser que le nom de Vineta pourrait avoir la même origine que Veneti, Guened, Vannes, Gwynedd. Comment se fait-t-il que le nom des Vénètes soit ainsi attaché une légende de ville engloutie dans la baltique "Vineta" signifie " la ville blanche". Cette terminologie est couramment employée pour désigner , en Bretagne, les emplacements de villes en ruines ou disparues.
Ces supputations font naturellement penser au sort tragique de la ville d'Ys dont la légende est très présente en Bretagne. Cette légende peut être rattachée à des catastrophes naturelles qui ont frappé la péninsule armoricaine dans des temps très anciens. A ce propos, on a pu savoir que les variations du littoral armoricain furent très importantes au cours du premier millénaire. Ce phénomène a été attribué à un enfoncement du plateau continental. Des faits semblables sont rapportés par les historiens. Ils corroborent l'existence du lent recul du continent face à la mer. Il convient de citer le tremblement de terre de mars sept cent neuf accompagné d'un terrible raz de marée qui fit reculer, à certains endroits, le rivage d'une trentaine de kilomètres. Un siècle avant ce désastre, le mont Saint Michel se dressait au coeur de la forêt de Sessiacum que les romains traversaient pour se rendre à Avranches. Comme pour leurs lointains ancêtres, on imagine la terreur des populations devant de tels désastres.
Ces "colères" de la nature ont certainement marqué les esprits au cours des siècles et contribué à perpétuer la légende d'une mystérieuse ville engloutie par la volonté d'une puissance divine purificatrice. Cette légende fut contée, pendant des siècles, dans les chaumières depuis le mont Saint Michel jusqu'au sud de la Bretagne.
"Qu'y a-t-il de nouveau dans la ville d'Ys? ou Petra'zo e never kêr Is."
C'est le premier vers d'une chanson écrite en 1850 par le léonard Olivier Souvestre. "La complainte de la ville d'Ys (Gwerz kêr Is)" raconte l'histoire "d'une ville d'Ys" située près de la ville de Douarnenez. Certains philologues donnent comme origine au nom de la ville "Douar an enez" la "terre de l'ile". D'autres philologues plus enclins à honorer la légende penchent pour Douar nevez la "terre nouvelle".
Les strophes de cette complainte égrainent, quatorze siècles plus tard, les épisodes tragiques de la vie du roi Gradlon, le grand roi de Cournouaille ( 330-405) qui aurait vécu dans cette ville d'Ys, capitale de son royaume. Proche du rivage, la ville était menacée par l'océan.
Plusieurs versions de la légende donnent des causes différentes à la catastrophe naturelle qui survint. Notre préférence ira à la présence d'un puits de l'abîme expression d'une ancienne croyance des Celtes: sous le sol sont amassées des eaux inférieures, qui risquent de surgir et de noyer les humains et leur cité. Il y a une version plus prosaïque selon laquelle la ville, bâtie sur un polder, était protégée par des écluses régulièrement fermées lors de la marée montante et ouverte à marée basse pour libérer l'eau des rivières. Cette menace, bien connue, n'empêchait pas les habitants de vivre riches et heureux.
Or, le roi avait une fille, née de la reine du Nord, Malgen. Hélas, la princesse Dahut était insouciante et pour dire la vérité carrément dévergondée. Ce ne sont pas les admonestations de l'évêque Gwénolé, exigeant que la débauche cesse, qui pouvaient changer le comportement de toute une jeunesse assoiffée de vains plaisirs. Eh bien, il arriva ce qui devait arriver: Dieu livra la ville à Satan. Quelqu'en soit la raison, les eaux s'engouffrèrent soudainement dans les rues de la ville pendant une sinistre nuit. Tout de même, Dieu avait permis que Gwénolé prévint le roi de l'imminence de la catastrophe. Le roi sauta derechef sur son cheval, plaça sa fille en croupe et s'enfuit en compagnie de l'évêque loin du rivage. Mais la fureur des flots ne cessait guère. Les vagues en furie rejoignirent les fuyards retardés par la monture de Gradlon ,surchargée par le poids de la pécheresse. Les flots talonnaient les sabots du cheval quand Gwenolé adjura le roi d'abandonner sa fille. Le roi n'en voulut rien entendre. Le danger se fit encore plus pressant. Gwenolé se fit plus autoritaire. "Abandonnes ta fille, Gradlon, Dieu le veut!" Que pouvait faire le roi? Il précipita sa fille dans les flots. Alors le cheval bondit et les deux fugitifs purent rejoindre la terre ferme tandis qu'au loin la ville d'Ys disparaissait sous les flots...
Ce ne sont pas les protohistoriques menhirs qui perpétuent cette légende de la fureur soudaine des eaux de la mer mais une statue équestre du roi Gradlon à Quimper où le roi s'était peut-être établi après ce désastre!
La ville n'a sans doute pas totalement disparue… Par temps calme, des pécheurs de Douarnenez entendent parfois sonner les cloches sous la mer. D'étranges objets sont régulièrement repêchés...
Une mémoire du granit.
Sortons de cette bulle mystérieuse... si nous le pouvons! Il est difficile de le faire complètement. La production artistique de la Bretagne intrigue par sa singularité et par son mystère. Cet art populaire est présent dans tout le pays breton qu' il décore comme pour signifier, en toute liberté, son unité. Il prend naissance au XV ème siècle à une époque pendant laquelle la Bretagne est un pays prospère. Les chroniques de l'époque racontent les somptueuses fêtes données pour le couronnement des ducs. La richesse matérielle et spirituelle a permis à Jean V le Bon et ses successeurs de développer des arts et de la littérature. Sait-on qu'une imprimerie fut crée dès 1475 à Brébant-Loudéac?
En 1499 l'imprimerie de Tréguier sort le "catolicon"' premier dictionnaire breton-latin-français. L'architecture bretonne, profane et religieuse, se développe dans les châteaux, les églises, les ossuaires et les calvaires. Le plus ancien calvaire de Bretagne a été construit vers 1460. Il se trouve sur la commune de Tronoën près de Saint Guenolé. C'est une illustration sculptée dans le granit de la Passion du Christ.
Les livres d'Histoire rapportent que les maîtres d'oeuvres bretons voyageaient volontiers pour voir ce que faisaient leurs voisins. Mais de retour au pays, il semble bien qu'ils aient donné libre cours à leur propre imagination pour adapter à leur goût les tendances de leur époque. Comme par un pied de nez aux antiques dresseurs de pierres, les artistes bretons donnent vie au granit pour témoigner spontanément de leurs croyances. C'est surtout un art religieux chrétien qui s'épanouit dans chaque "plou" par la volonté des habitants, soucieux d'affirmer leurs particularités sous la direction de leur recteur.
Quelques menhirs reprennent fonction en se laissant graver sur la surface une croix. De nombreux saints ont droit de cité sur le granit. Bon nombre d'entre eux sont des moines fondateurs des différents "plou" créés au cours de la diaspora brittone. D'autres ne doivent leur célébration qu'à l'appropriation par le clergé d'anciens héros païens. Au détour des chemins, leurs légendes se gravent dans la pierre comme sur la scène d'un théâtre permanent.
Mais ne cherchons pas de grandioses monuments en Bretagne. Certes le clocher de la cathédrale gothique de Quimper culmine à 80 mètres; ce n'est pas mal mais on a fait bien mieux ailleurs! Le syncrétisme religieux de l'Église peut surprendre car sous la férule des recteurs les saints de pays côtoient sans aucune difficulté les saints reconnus par Rome dans la plus grande dévotion à Sainte Anne, Sainte Marie et pour la gloire de Dieu. On doit admettre qu'il est difficile de parler d'un style breton. Le coté pittoresque de l'expression artistique bretonne n'échappe à personne. Il ne peut pas laisser indifférent. D'aucuns diront qu'ils s'agit d'une expression artistique vraiment trop rude pour être appréciée par des gens de bon goût. Nous sommes, en effet, à des années lumières de la sublime perfection de l'art sculptural grec. D'autres trouveront de telles oeuvres d'art "exquisément naïves". Disons que ceux qui apprécient la beauté de ces chefs d'oeuvres ont le coeur breton.
Au son du biniou.
Les manifestations populaires ont évolué au cours du siècle dernier. Elles ont perdu progressivement leur caractère religieux chrétien pour devenir de grandes réjouissances publiques où l'on se retrouve entre amis. Le roi de ces fêtes est le biniou. Au son de cette musique bourdonnante chacun a pu ressentir l'impression de se retrouver au sein d'une grande famille. Est-ce la résurgence d'un vieux réflexe clanique propre au peuple celte? Quoi de plus breton que ce nom de biniou qui est la traduction du mot "béni". Voilà bien l'appropriation d'un instrument qui garde en mémoire la ferveur religieuse de tout un peuple.
Malgré les apparences, le biniou n'est pas une spécialité bretonne car il fait partie de la grande famille des cornemuses. On retrouve de tels instruments dans toute l'Europe ainsi que dans les régions asiatiques proches. On en trouve même en Afrique du nord. L'origine de ces instruments reste obscure. Les musicologues ont répertorié deux types de cornemuses: à l 'est de l'Europe les cornemuses ont un chalumeau cylindrique, munies d'une seule anche tandis qu'à l'ouest de l'Europe les cornemuses ont un chalumeau conique à double anche. Il est curieux de constater que la topologie actuelle des cornemuses est une réplique de celle des territoires occupés progressivement par les celtes à partit du Vème siècle avant J.C. jusqu'à l'époque romaine.
Voilà qui conforte singulièrement la revendication du festival interceltique de Lorient quant à l'origine des bardes ayant utilisé leur besace pour faire de la musique!
Celtitude : mythe ou réalité?
Peuple mythique s'il en fut, la naissance des peuples celtes se perd dans les nimbes de la protohistoire. Nous ne savons que peu de choses sur ceux que l'on nomme les protoceltes comme pour leur faire rejoindre les peuples mégalithiques, leur très anciens prédécesseurs.
On sait que ces peuplades vivaient en clans séparés les uns des autres; ils avaient un élément d'unité, la religion druidique. Les historiens reconnaissent que cette religion est bien différente des religions du bassin méditerranéen. Elle était transmise par voie orale par les druides qui pratiquaient le culte de la Nature. Ils sont les intermédiaires entre les hommes et la Nature. Ces prêtres détiennent le Savoir et la Sagesse. Ils ont le pouvoir de Divination reçu des cieux qu’ils invoquent pour connaître l’avenir. Ils officient naturellement dans les cérémonies sacrées et sont les seuls à pratiquer les sacrifices demandés par les cieux. Ils conseillent les rois, qui ne peuvent parler qu’après eux dans les conseils. D’après ce que l’on sait, le druidisme apparaît comme la caractéristique essentielle mais peu connue de la civilisation celtique Les tentatives récentes de vulgarisation dessinée parodient cette période. Ces histoires pourraient faire se retourner nos vénérables ancêtres dans leurs tombes si par hasard le bruit en venait à leurs défuntes oreilles !
Ce peuple n'est historiquement connu qu'à partir le V éme siècle avant J_C par les écrits des grecs Hecatée de Milet et d'Hérodote d'Harlicarnasse. Ils furent les témoins méfiants de l'expansion d'un peuple qui les menaçaient en essaimant sans cesse de multiples clans sur le vaste territoire situé au nord de la Grèce. Pour ces auteurs, ce vaste territoire s'appelle l'Europe. L'invasion des celtes se poursuit au cours des siècles suivants vers l'ouest et le sud ouest de l'Europe. Les romains ne sont pas épargnés par la volonté de domination de tribus celtes. Ils sont l'objet de fréquentes attaques de bandes guerrières venus du nord depuis un territoire qu'ils appellent la "Celtica".
Notons que ces bandes peu disciplinées font partie de nos ancêtres plus connus sous le nom de gaulois. Ce ne sont pas des gentlemen. Ils effraient leurs adversaires par les cris horribles qu'ils poussent avant d'attaquer. En l'an 390 avant J.C. c'est ainsi qu'ils font fuir les soldats de la garnison de Rome et les obligent à se réfugier au Capitole. Ces soldats, épuisés par de rudes combats, pensent être à l'abri; au petit matin les oies du capitole les réveillent et leur permettent de repousser leurs adversaires. Mais cette victoire n'est que de courte durée: affamés par le blocus du capitole, ils finissent par se rendre au chef celte Brennus. De l'or leur est demandé; il n'y en a jamais assez. La balance était truquée! Découvrant le stratagème, les romains protestent. C'est en vain. Alors Brennus prononce les mots célèbres "vae victis " ( malheur au vaincus ) que d'autres reprendront au cours des siècles suivants avec la même suffisance.
Grandeur et décadence des celtes:
La domination celte ne pouvait durer. On se souvient de la défaite décisive des nos cousins celtes commandés par Vercingétorix sur le rocher d'Alésia; cet événement a marqué l'entrée des romains dans la Gaule transalpine. On ne sait pas si le jour de son triomphe à Rome, César eut l'esprit de proclamer Vae Victis à cette occasion. Toujours est-il que le sort réservé au chef gaulois illustra tragiquement cette funeste formule.
Le destin de la civilisation celte a donc été tragique. Quel destin ne l'est-il pas? Que reste-t-il d'une civilisation si ce n'est quelques écrits, rédigés par leurs adversaires peu enclins à l'objectivité?
Cet empire européen celte a disparu grignoté par l'empire romain. Ainsi s'est répandue en Europe la civilisation gréco-romaine avant que celle-ci ne soit elle-même submergée par la civilisation chrétienne.
Revenons en Armorique:
Au cours des derniers siècles avant Jésus Christ, plusieurs tribus celtes s'étaient installées en Aremorica, le pays face à la mer: Les Osismi vivent à la pointe de la péninsule, les Curiosolites au nord. Au centre, ce sont les Rhedones dont le nom nous rappelle que Rennes était leur capitale. Du côté de l'actuelle ville de Nantes, nous aurions pu rencontrer les Namnètes. Les Vénètes occupaient depuis plus longtemps une région située du coté de la Vilaine jusqu'à la pointe du Raz. Il semble bien qu'ils aient précédé les premières peuplades citées. Les Vénètes avaient un commerce florissant qui faisait d'eux le peuple le plus puissant de la péninsule armoricaine.
Après leur succès à la bataille d'Alésia, les Romains ont consolidé leur domination sur la Gaule transalpine. Mais leur volonté d'expansion n'a pas de limite. Ils prennent ombrage de la domination commerciale des Vénètes sur le littoral atlantique.
Cinquante ans avant la naissance du Christ, ces Romains endiablés envahissent la terre des Vénètes qu'ils soumettent après un funeste combat naval dans le golfe du Morbihan. Les galères romaines avancent à la force des bras; elles sont opposées aux bateaux vénètes "les sinagots", ces voiliers si robustes et si bien manœuvrés se jouent des attaques romaines. Mais hélas, lorsque le vent marin tomba sur le golfe du Morbihan, il fut remplacé par celui de l'Histoire qui emporta la liberté de ces Venètes vaincus!
C'est peut-être depuis ce temps là qu' il est de coutume de souhaiter "bon vent!" pour porter chance à des amis en partance car... sans vent point de salut!
Laissons donc à César ses propres commentaires dans lesquels il narre avec force détails et à sa manière, sa lutte victorieuse contre les Vénètes qui resteront à nos yeux toujours de valeureux combattants.
Les Brittons
Au large du pays vénète, de paisibles celtes bretons ou Brittons vivaient dans leur île entourée par l’Océan. Ce rempart naturel les avaient longtemps protégé contre d'éventuels envahisseurs. Ce peuple était paisible, certes, mais depuis l’an 43 avant Jesus-Christ. ils sont “occupés” par des navigateurs conquérants venus du continent. On les connaît: ce sont les Romains qui ont fait de la terre brittonne une sorte de protectorat après leur emprise sur la péninsule armoricaine. Les paisibles brittons ont accepté dans un premier temps la tutelle des méditerranéens.
Par la suite, au cours des cinq siècles d'occupation romaine, le pays s'est transformé. L'affaiblissement de l'empire romain, miné par des luttes de pouvoir, fait que Rome n'est plus rien sur l'île. Une nouvelle religion, le Christianisme, remplace progressivement à la religion druidique. Le Christianisme, longtemps persécuté à Rome, ne l’est pas sur l’île.Cette religion monothéiste est adoptée par les populations assujetties à l’empire romain. Elle est bien accueillie par le peuple britton qui trouve dans sa pratique l'espérance d'une vie meilleure au service de Dieu. Certains druides se convertissent et célèbrent la nouvelle religion en intégrant quelques pratiques de l’ancienne. Malgré tout, la religion druidique subsiste. Pelage et Vortigen en sont les derniers chefs connus dans les 400 ans après Jésus-Christ.
Voisins du nord de la région où vivent les Brittons, Pictes et Scots habitaient dans les montagnes d’Écosse.
Sur le continent vivaient les Saxons. Puis certains d'entre eux ont voulu s'installer dans les marais de l'île. Vivants en paix, les brittons sont naturellement accueillants. Ils ont accepté l’installation de ces nouveaux arrivants en toute amitié dans l’île minuscule du Tanet à l’entrée de la Tamise.
Se sentant mal chez eux ou désireux d'occuper de nouvelles terres, Pictes et Scots finissent par rendre la vie impossible aux tranquilles sujets du protectorat romain. Ils se font même menaçants prétendant prendre en main le pays aux dépens de l'occupant romain. Prévenus des intentions belliqueuses des gens du nord de l'île, le général romain Aetius envoie l'évèque d'Auxerre pour les combattre.
Alors les Brittons, réunis dans la religion chrétienne, sont mobilisés par Germain d’Auxerre pour rejeter le Pictes et Scots vers leurs montagnes. Est-ce que ces nouvelles recrues courageuses mais inexpérimentées pouvaient suffire à la tâche? Ce n'est pas si sûr!
Sous prétexte de les aider à défendre le pays contre ses envahisseurs montagnards du nord de l’île, les Saxons prêtent main forte aux Brittons qui les avaient si bien accueillis dans le passé. Voilà donc une aide précieuse ! En effet, les guerriers saxons sont réputés comme étant “race d’écumeurs de mer, sans pitié, sans honneur et sans foi”. Cela est très utile en temps de guerre! Ainsi les romains furent chassés de l'île.
Diaspora des Brittons :
Forts de leur puissant soutien aux Brittons, les Saxons finissent par se croire chez eux . Naturellement, les Brittons ne peuvent admettre une telle prétention. La paix ne revient pas après la victoire sur les romains.
Pendant deux cents ans, (455-655) c'est une guerre sans merci pendant laquelle victoires et défaites se succèdent avec un piètre résultat pour les Brittons, peuple paisible, qui n'a pas été en mesure de se préparer aux combats.
La tradition orale et les écrits de Geoffrey de Montmouth, Historia Regum Britanniae ( Histoire des Rois de Bretagne) du XII éme siècle rapportent et enrichissent la triste aventure de leur dernier roi chrétien, Arthur. Bien que battu à l’ultime combat de Camlann qui donna la suprématie sur la terre de Bretagne aux Saxons, ce roi héroïque survit dans la légende arthurienne qui en fait un héros combattant des forces occultes.
Cette légende n’a pas finie d’être réinventée : écrite ou filmée à la quête de l’introuvable et inconnu Saint Graal, objet mythique propre à alimenter le mystère breton .
Durant cette période troublée, bon nombre de Brittons se sont réfugiés dans les montagnes reculées tandis que les autres se soumettaient aux lois de leurs "protecteurs" saxons. Plus aventureux et moins résignés que leurs compatriotes restés en place, certains clans filèrent "à l'anglaise" en choisissant de s’échapper vers les territoires plus paisibles du continent où les romains n'exercent plus aucune influence.
Premiers "boat people" sans le savoir, ils débarquèrent principalement en Armorique. Un petit nombre d'entre eux allèrent jusqu'en Gallice au nord de l'Espagne. Leur exemple fut suivi au fur et à mesure de la conquête du pays insulaire par les saxons.
Cette exode va durer pendant 150 ans. Les brittons insulaires issus de différentes parties émigrent, à tour de rôle, pour "bretonniser" cette terre d'Armorique que nous chérissons.
En fait, les armoricains qui viennent de subir quatre siècles de fiscalité romaine sont complètement désorganisés; ils voient s'installer ces nouveaux arrivants sans opposer de résistance. Tout au plus fuient-ils à l'intérieur des terres pour retrouver une certaine tranquillité.
Depuis leurs luttes contre les saxons, les clans brittons s’étaient organisés. Chaque groupe d’émigrants vers l’Armorique suivait un moine qui lui servait de guide et de chef spirituel. A la différence des Druides qui était strictement des chefs spirituels, les moines rassemblaient les pouvoirs temporels et spirituels qui en faisait des "recteurs" (ceux qui dirigent).
Les premiers émigrés furent les Brittons habitant au sud de l’Écosse. Ils arrivèrent dans le pays vénète où se créa une petite communauté gouvernée par Caradauc Breht Bras ( gros bras) contemporain de Patern. - puis ce fut le clan des Cornavii originaires du centre du pays britton , “entre la Savern et le golfe de la Mersey ( comté Schrewsbury, Woorcester, Warwick, Stafford et Chester)" qui alla à l’extrémité occidentale sud de l’Armorique Cornu Galliae. Le nom de Cornouailles (“Kernaw” veut dire “pays des Cornavii” en breton d’après François Cadic )
Paradoxalement, la terre des Osismis, située à la pointe de l’Armorique, adossée aux monts d'Arrée, ne sera occupée que plus tard par les derniers émigrés. Ceux-ci n'ont pas hésité à aborder ces côtes si difficiles d'accès. Ces brittons viennent du sud du pays de Galles où l'occupation saxonne s'est étendue jusqu'à devenir inacceptable. Ils quittent ainsi le Glamorgan, et le Gwent, surtout de la ville de Caer-Léon dont le nom est à l'origine de celui du Léon armoricain. Les nouveaux venus occupent la "finis terris" des romains au bout de laquelle domine une hauteur surplombant la mer. Vous l'avez deviné, Chers Cousins, il s'agit du territoire de Brest dont le nom pourrait venir du mot celte "Bre" qui signifie hauteur. Le castellum gallo-romain qui y est construit rappelle aux autochtones et aux immigrants qu' ici a régné en maître l'Empire Romain. Au IVéme siècle, le latin Bristokus y avait établi sa résidence royale.
Au VI ème siècle, la forteresse existe toujours et c'est le roi Even qui y demeure. La légende retiendra de lui qu'il fit enfermer dans une des tours de la forteresse sa fille Azenor accusée à tort de mauvaise conduite par son époux le prince Chunaire de Goëllo avant de l'abandonner en mer seule dans bateau sans vivres et sans voiles. Qu'était-elle devenue?
Au début de la diaspora brittonne, les différents clans qui débarquent, occupent des terres séparées les unes des autres. Ils cohabitent avec les premiers occupants sans avoir à conquérir de terres aux dépens de ceux-ci. Cela est inutile car le pays est une immense forêt peu habitée dont les farouches occupants n'ont d'autre choix que de s'en écarter en s'installant ailleurs dans les profondes forêts. Chaque clan britton s’installe donc là où il trouve un endroit disponible. Leur nouveau lieu de vie devient ce que l'on appelle plou parfois ple Dans cette organisation tribale, chaque plou se distingue des autres par le nom du chef de clan. La terre, non cultivée jusque là, est bien fertile après défrichage. Les nouveaux arrivants subsistent facilement sans subir la convoitise de quelques proches voisins. En fonction de leur charisme, les chefs de clans deviendront, au fil des siècles, des saints sans forcément la bénédiction du Saint Père...
Lorsque la population augmente, le puzzle des plous se comble. La nécessité de définir des frontières apparaît. Sans une justice constituée, cette situation engendre de nombreuses querelles. Dans les siècles qui suivent, aucun état ne prend forme. il se reproduit dans la péninsule ce qui s'est passé dans la Gaule mérovingienne en l’absence d’un chef incontesté. Guerres de clans et meurtres se succèdent dans les familles dominantes pour la conquête du pouvoir. Rois et princes s'y autoproclament sans grande légitimité et ne restent en place qu'avec l'appui d'alliés plus puissants qu'eux... souvent pour leur propre perte! .
Sacré Charlemagne:
La Gaulle Mérovingienne va disparaître après que le fils de Pépin le Bref ait succédé à son père en 771. C'est l'avènement des Carolingiens. Le nouveau roi Carolus Magnus est à l'aise sur les champs de bataille. Il cherche à imposer sa loi sur tout l'Occident.
Quelques années plus tôt, en 711, les sarrazins ont fait irruption dans le monde occidental en envahissant l'Espagne. Ils ne se contentent pas d'occuper l'Espagne. Ils effectuent de nombreuses razzias en Aquitaine au grand désespoir des habitants qui implorent le soutien du roi. Plusieurs expéditions punitives sont organisées par les Francs.
L'une d'entre elles est restée célèbre. En 778, au retour d'une expédition contre les émirs de Pampelone et de Sarragosse, l'armée franque se heurte à des montagnards rebelles qui lui infligent une cruelle défaite.
Chers cousins, on vous a parlé du col de Roncevaux à l'école primaire. Une chanson de geste nous rapporte que c'est là que mourut Hruodland (Roland) en sonnant du cor ! L'historien Laurent Theis nous révèle que Roland était préfet des Marches de Bretagne sans être pour autant le neveu de Charlemagne. De plus les méchants Sarrazins de la chanson de geste étaient en réalité les peuples des montagnes pyrénéennes furieux de voir une intrusion dans leurs si paisibles montagnes. Ces indigènes s'appelleront plus tard les Basques!
On sait que Carolus Magnus a encouragé évêques et moines à créer et entretenir des écoles. Georges Minois nous explique que cela servait à ce quasi illettré à former un personnel administratif bien utile à la gouvernance d' un si grand royaume.
En l'an 800, Carolus Magnus tient enfin sa légitimité du Ciel car il vient d'être couronné empereur d'Occident par le pape Léon III. La cérémonie s'est déroulée à Rome dans la basilique Saint Pierre le 25 décembre 800. Cette date aurait pu être celle de la naissance d'un nouvel état pérenne: le domaine des francs. La France me direz vous?...pardon! l'Europe!
Aux yeux de l'empereur et de son entourage il apparaît évident que la petite péninsule armoricaine fait partie intégrante de son immense empire. Les armoricains qui n'ont jamais été à l'école de Charlemagne n'en ont aucune conscience.