La famille Chavenon et le chemin de fer.

La famille de Marie Chavenon

lorient vannes La famille  maternelle de Marie Chavenon est originaire du Morbihan où elle a vécu depuis plusieurs générations. Sa mère, Marie  Barbedette, est née le vingt quatre juillet mil huit cent trente cinq à Hennebont, près de Lorient.  Elle s'est mariée le seize avril mil huit cent soixante avec Jean Chavenon, employé de chemin de fer. Ce dernier participait à la mise en service de la ligne Nantes-Lorient construite par la Compagnie d'Orléans.

Par son métier, Jean Chavenon avait été amené à partir dans le "Nord" si l'on peut dire. En effet, Jean n'est pas  originaire du pays breton, il est né le treize novembre mil huit cent trente six dans le Bourbonnais en la commune des Deux Chaises près de Montluçon. Son père, également prénommé Jean, vit à Tronget dans une commune située sur la ligne Montluçon - Moulins. Il est intéressant de noter que l'on trouve sur cette ligne une commune du nom de Chavenon. C'est donc bien un nom du pays bourbonnais porté par de nombreuses familles dans cette région. 1860 moulins montluconSa mère est née Bernardon, un autre nom de famille typique du Bourbonnais. Celle-ci est décédée à Montmarault le dix juillet mil huit cent quarante six alors que Jean n'avait que dix ans. Les "Chavenon", père et fils, sont employés de chemin de fer.  Dès les années trente, le père a vu les premiers développements des voies ferrées dans sa région. Et cela a continué depuis cette date.  En mil huit cent soixante la ligne Moulins - Montluçon sur laquelle il est affecté vient à peine d'être inaugurée. par la Compagnie Paris-Lyon. Le fils n'a  pas trouvé de l'embauche dans la région. Il a été amené à "s'expatrier" pour  exercer son métier à la Compagnie d'Orléans. Lorsque le père et le fils se rencontrent, ils ont toujours quelque chose à se raconter sur les dernières nouvelles du rail. Il y a cette histoire de la ligne Nantes - Lorient. Jean Chavenon en a entendu parler.

La ligne Nantes- Lorient- Brest : la grogne des vannetais

C'est l' histoire de la création de la ligne Nantes - Lorient - Brest sur laquelle les Vannetais n'auraient pas pu avoir de gare sans la mobilisation énergique des élus locaux. Pensez donc, en mil huit cent cinquante deux, le gouvernement avait prévu de confier à la Compagnie de l'Ouest la liaison de Paris à la Bretagne au grand dam des élus du Morbihan et de leurs députés. Etant donné l'implantation de la concession faite à cette Compagnie par l'Etat, on construirait une ligne  Paris - Rennes - Vannes. Ce serait ignorer complètement les intérêts économiques du sud de la Bretagne. Mis au courant, les morbihannais interviennent et demandent la création d'une ligne Nantes - Brest. Le ciel est avec eux: des facilités inattendues d'exécution et  l'intérêt de relier les grands ports bretons avec la Loire conduisent les auteurs du projet à choisir cette solution. Il est décidé de confier la réalisation de cette ligne à la Compagnie d'Orléans . Pourtant la présentation de l'avant-projet ne calme pas les inquiètudes des vannetais. Les auteurs de ce document  prévoient de faire passer la ligne à quelques dix huit kilomètres de Vannes, chef-lieu du Morbihan. On se tient à l'écart des ports sur une centaine de kilomètres entre Redon et Lorient!  Il n'y a pas de liaison avec le port d'Auray. Les très nombreux pélerins qui se rendent à Sainte Anne d'Auray ne pourront pas profiter d'une station ferroviaire.Pourtant,  cet arrêt leur serait très utile car Ils viennent de tout le Morbihan, bien sûr mais aussi de la Vendée, de l'Anjou et même de la Touraine. Les élus de Vannes représentent les intérêts de leurs vingt mille administrés. Comme la ville est le chef-lieu de département, ils se font les porte-paroles des morbihannais dans leur ensemble pour monter au créneau à Paris. Le ciel est encore avec eux : les études de détail du projet permettent de se rendre compte que les difficultés supposées de réalisation ne sont pas réelles. Les élus de Vannes sont heureux de pouvoir dire à leurs administrés que la partie est gagnée. Vannes aura une gare dans le quartier de Saint Symphorien. La ligne passera par Auray et par Saint Anne d'Auray.

,Essor du Bourbonnais

Jean Chavenon père connaît mieux que son fils l'histoire locale des voies ferrées. Après l'ouverture de la première ligne de service public entre Saint-Etienne et la Loire en mil huit cent vingt sept, de nombreuses petites lignes avaient été mises en service dans ce Bourbonnais que la République a coupé en deux en créant l'Allier. Chacun sait que le Bourbonnais se situe bien en Auvergne. A partir de 1840, le développement même des chemins de fer, l'alimentation des hauts fourneaux, l'élaboration des métaux et leur transformation, les constructions métalliques avaient fait augmenter très fortement la demande en charbon. Dans la région, la proximité de deux importants gisements carbonifères avait, depuis le début du siècle, permis d'établir un commerce de charbon dans les grandes villes pour le subsituer au charbon de bois devenu trop onèreux. Les "bougnats" s'étaient établis particulièrement à Paris. Le Bourbonnais comme le reste de l'Auvergne n'ont pas été en reste pour assurer le transport local de la houille et de minerais métalliques vers les nombreux établissements métallurgiques installés localement comme celui de Tronçais au nord de Montluçon. pont de cournonCe pays, si arriéré au début du dix neuvième siècle, connaît alors un développement économique très important. Les méthodes de construction utilisées dans les travaux publics sont en pleine évolution avec l'utilisation de plus en plus fréquente du fer et de l'acier.  L'innovation est présente dans tous les domaines industriels. Le pont que l'on installe sur l'Allier est un pont suspendu. Une vraie merveille de légèreté permise par l'emploi de fils de fer ! Il n'y a pas de lourds piliers en pierre qui obstruent le lit de la rivière. On voit passer sous ce pont des gabares à vapeur "inexplosibles" invention récente qui permet de diminuer les temps de transports fluviaux en toute sécurité. Les voies navigables restent encore et pour longtemps indispensables au transport des matières premières. Les travaux de construction des voies ferrées sont très complexes. Ils demandent l'emploi d'une main d'oeuvre robuste prête à s'expatrier pour suivre l'avancement des chantiers.Tout se fait à la pelle et à la pioche. On utilise quelquefois la poudre explosive pour traiter les cas difficiles. Les matériaux sont amenés sur les chantiers dans des tombereaux, tirés par des chevaux. C'est bien pénible mais aussi très coûteux. Les choses se font probablement au "moins coûtant". Les projets de voies ferrées se définissent en fonction du tonnage et de la nature des matières  premières à transporter vers les lieux de transformation. Dans certains cas, les contraintes liées au relief imposent des choix techniques difficiles où l'emploi dangereux de la poudre est nécessaire. Ce nouveau moyen de transport des marchandises permet de s'affranchir des obstacles du relief que ne pouvait traverser les tombereaux, tirés par des chevaux. Encore faut-il pouvoir tracer des lignes de voies ferrées quasi horizontales sans déplacer les monts et vallées auvergnats.

Diligences, chemins de fer et centralisation: 

diligencePourquoi ne pas utiliser le train pour des voyageurs? En mil huit cent quarante, la diligence est le seul moyen de transport des personnes à longue distance. Certes, les diligences se sont perfectionnées depuis la création de la "Turgotine" en mil sept cent soixante quinze. Monsieur Turgot n'a pas à la regretter dans sa tombe. Il y a plusieurs modèles de diligences. La grande diligence est impressionnante. C'est un moyen de transport à grande vitesse. Conduite par un cocher assisté par son postillon placé sur le premier cheval de gauche vous devez, si vous circulez à pied, à ce dernier d'être évité à temps quand elle passe. La grande diligence comporte trois compartiments aux noms évocateurs: le coupé est à l'avant ce qui permet de voir où l'on va. Au centre, il y a la berline, bien suspendue elle est très confortable. Quant à la rotonde, elle est placée à l'arrière de telle sorte qu'il est impossible de regarder vers l'avant. N'oublions pas l'impériale, qui est sur le toit. C'est là que l'on met les bagages. Des sièges sont prévus pour les amateurs de grand air auxquels peuvent se mêler quelques fumeurs invétérés. Cette merveille de la traction hippomobile est tirée par quatre ou six impétueux chevaux. Dans certaines régions , ce moyen de transport peut être hasardeux. Il faut 15 jours pour rejoindre Marseille à Paris au travers de chemins cahoteux plus ou moins bien fréquentés. Ce sont autant de nuits passées dans des auberges. Les différents modèles de diligence sont conçus en fonction des voyageurs à transporter et de l'état des chemins. Calèches en ville elles restent diligences à la campagne. A Paris, ce sont des voitures plus petites et plus élégantes que la grande diligence qui sont affectées à de petites lignes. Elles permettent de relier la capitale aux villes avoisinantes. Ces voitures portent un nom à faire rêver. Ce sont des gondoles - terrestres en somme!

Si l'année mil huit cent vingt sept est celle de la création de la première ligne de chemin pour le transport de marchandise, l'année mil huit cent trente cinq voit apparaître l'idée qu'il pourrait être utile de transporter des voyageurs par ce nouveau moyen de déplacement.Tout d'abortraind on imagina d' embarquer les personnes dans de de simples tombereaux ouverts à tous vents. Certes, les voyages étaient rapides et peu chers mais assurément beaucoup moins confortables que ceux effectués dans les indispensables diligences. Confortables, ces diligences? Ça se discute: les trajets en diligence sont longs, coûteux. L' innovation du transport  des voyageurs par trains à "tombereaux ouverts" eut peu de succès. Mais l'idée de remplacer les diligences était née. Le progrès aidant et sans doute aussi la grogne des voyageurs, on doit dire qu'assez rapidement, on mit à disposition des voyageurs des voitures couvertes à impériale. Mis au courant d'une telle invention, les parisiens eurent tôt fait d'obtenir des lignes d'intérêt local. En 1839, une première ligne permet aux parisiens de voyager dans de "jolies voitures" comme on dit. Cette ligne de chemin de fer va de Paris à Saint Germain. La vitesse est remarquable puisque l'on atteint 20 kilomètres par heure en moyenne. Cette réalisation parisienne est suivie par deux autres: une ligne de "rive droite" et une ligne de "rive gauche" tout à fait nécessaires pour aller  et revenir de Paris à Versailles dans la journée. De beaux esprits pouvaient alors prédire qu' à cette vitesse élevée, on pourrait atteindre Marseille à partir de Paris en quelques quarante heures!

La première ligne internationale est inaugurée entre Strasbourg et Bâle en mil huit cent quarante et un. On ne peut que constater qu'il y a seulement cinq cent soixante kilomètres de voies ferrées en France alors que l'Europe en compte huit fois plus. Les autorités françaises s' inquiètent du retard pris par le pays. Une loi est alors votée en mil huit cent quarante deux pour promouvoir le développement d'un chemin de fer qui puisse être utilisé pour le transport des marchandises bien sûr mais aussi pour celui des voyageurs dans des conditions "humaines". Il est prévu des concessions de longue durée ainsi que l'aide de l'état pour l'établissement d'un réseau rayonnant autour de Paris. Cette loi va faire date car elle préfigure la configuration du futur réseau de chemin de fer national. Le schéma de celui-ci est calqué sur celui des grandes voies routières, lui-même centré sur Paris. "De plus, c'est également le schéma du réseau administratif du pays" remarquera plus tard l'historien malin...

Les Compagnies de Chemin de Fer

  L'application de la loi, promulguée en mil huit cent quarante deux est suivi d'effet. Les relais de diligences deviennent les principales stations ferroviaires. En ùil huit cent soixante , il existe en France six grandes compagnies de Chemin de fer qui se sont constituées après une longue période de créations, restructurations et fusions des différentes petites compagnies. Certaines petites compagnies subsistent encore. Elles assurent le fonctionnement de lignes d'intérêt local. Elles ont été construites par des entreprises du pays à la suite d'initiatives locales pour répondre à des besoins bien particuliers. Ce nouveau moyen de transport des marchandises  permet de s'affranchir des obstacles du relief que ne pouvait traverser les tombereaux, tirés par des chevaux. On n' envisage pas encore de transport à longue distance autrement que par voie fluviale. Il n'y a pas de coordination entre les maîtres d'oeuvre de ces différentes lignes. Les choses se font probablement au "moins coûtant". Les projets de voies ferrées se sont définis en fonction du tonnage et de la nature des matières premières à transporter vers les lieux d'utilisation . Ainsi s'explique le fait que certaines de ces petites voies ferrées aient un écartement des rails de soixante centimètres et d'autres, prévues pour des transports plus importants, aient un écartement des voies d'un mètre.

angers Jean Chavenon s'est établi dans l'ouest de la France

Jean Chavenon avait donc quitté son Bourbonnais natal pour vivre dans l'ouest de la France. Au moment du mariage de sa fille, en 1891, il habite à la Possonière dans la commune de Savenières située à quelques kilomètres d'Angers. Cest le lieu d'un noeud ferroviaire qui relie entre elles des lignes secondaires desservant la région sud de la Loire. Il s'agit de voies dont les écartements sont différents Ce noeud ferroviaire "secondaire " est lui-même directement connecté en quelques centaines de mètres, à la ligne Paris-Nantes de la Compagnie d'Orléans en utilisant un pont qui franchit la Loire en aval d'Angers.  Cet ensemble complexe de la Compagnie d'Orléans est dirigé par Jean Chavenon qui en est le chef de district.

 

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