Le Journal de guerre de Jean-Baptiste

Jean Baptiste Pleyber est jardinier. Il a vingt ans lorsqu'il répond à l'ordre de mobilisation générale du 4 août 1914. A ce moment là il se trouve en Argentine où il vit seul avec son père, Joseph Marie Pleyber. Ce dernier exerce le métier d'ingénieur de construction après une brillante carrière militaire dans les services du Génie de la Marine Nationale.
Jean Baptiste nous parle de son emploi du temps durant la "der des der". Le lecteur pourra s'étonner de la tranquillité avec laquelle il témoigne des évènements tragiques de la guerre.
En France, il a participé aux trois batailles les plus meurtrières : celle de la Somme, celle de Verdun et on le retrouve encore au Chemin des Dames où il est blessé au cours d'une mission de liaison cycliste qu'il accomplit avec courage avant d'être évacué vers un hôpital.
En Grèce, où on le retrouve un an après, il participe à l'offensive franco-serbe décisive d'octobre 1918 sur le massif de Dobro Polie.
Jean Baptiste a échappé à de nombreux dangers. A l'annonce de sa promotion pour la croix de guerre avec citation par son commandant, il répond: "je n'ai fait que mon devoir".

Mon emploi de temps durant la guerre.

ANNEE 1914

Je commence à partir de mon départ d’Argentine où plutôt depuis la déclaration de guerre du 4 août 1914. L’Allemagne déclare donc la guerre aux grandes puissances de l’Europe à quelques jours d’intervalle en commençant d’abord par la Russie puis ensuite à la France en violant la neutralité de la Belgique.

Je me trouve à Buenos Aires, capitale de l’Argentine, avec mon père qui exerce le métier d’ingénieur en construction. Il nous faut partir dans les plus brefs délais pour défendre notre pays.

Mon père, ayant fini de régler ses affaires, nous partons, lui ayant son ordre mobilisation pour le camp retranché de Paris et moi, étant appelé de la classe 14.

La ville est très mouvementée par les hostilités européennes. On entend dans les rues les journalistes qui crient à tue-tête. On voit des gens qui se pressent autour des banques aussi près des grands journaux pour y voir les communiqués.

massacreOn apprend à tour de rôle la violation de la Belgique et les terribles choses que font les allemands . ( fin aout le massacre de Dinant en Belgique)

Enfin; le six aout au matin à sept heures nous quittons Buenos Aires pour nous rendre à l’Estacion del Ferro Caril del Sud qui doit nous conduire à La Plata. La veille au soir, nous avons reçu la visite de nombreux et bons amis que nous quittons avec regret. Mais le devoir avant tout.

Nous prenons donc le train à sept heures cinquante en gare de Constitucion pour La Plata, train spécial pour les voyageurs de la compagnie Transatlantique Nelson. Nous prenons un bateau anglais, n’ayant pas trouvé de transport français de libre et espérant arriver plus vite. La famille Devillard, amis intimes, nous conduisent jusqu’au bateau. Nous embarquons donc à bord du « Highland Loch ». Nous déjeunons avec la famille Devillard. C’est un vaste paquebot d’une compagnie de ….. et transportant la viande frigorifiée et prenant des passages de première et deuxième classes pour Londres.

Le déjeuner fini, nous nous promenons en compagnie de nos amis sur le pont. On entend tous les sifflets stridents et sourds du vapeur. C’est le premier coup. Nous avons encore quelques minutes devant nous avant de nous séparer. Le deuxième coup se fait bientôt entendre. On se sépare et on se dit au revoir. Enfin, au troisième coup, nous nous quittons en souhaitant de tout cœur nous revoir. On enlève la passerelle, on va bientôt partir. A l’avant, le bastingage est remis. Au milieu des acclamations de « Vive la France » et  « Vive l’Angleterre » le coup final retentit. Le bateau alors quitte le quai et les mouchoirs s’agitent. Enfin, nous voilà en route pour Montevideo. Le soir arrive vite, on dine et on va rendre visite à sa cabine pour l’arranger pour une bonne traversée surtout pour bien dormir car l’on est fatigué. Nous avons pris des deuxièmes et ma cabine se trouve côte à côte de celle de mon père et ce qu’il y a de mieux c’est que je me trouve seul, donc bien plus tranquille…. Nous sommes placés sur le pont. Je me réveille de bonne heure en me demandant …. Et je trouve drôle de n’être qu’à Montevideo. Le commandant nous fait savoir que nous devons rester ici jusqu’à nouvel ordre. Cela ne nous arrange pas nous qui espérons arriver au plus vite. On prévoit que l’on doit rester quelques jours ici et nous qui sommes si pressés d’arriver là-bas ou l’on se bat pou la défense du pays. On cherche d’autres  moyens pour aller plus vite mais on ne trouve rien et l’on se résigne de rester à bord.

Nous allons à terre prendre des renseignements à l’agence de la compagnie et en même temps, visiter la ville. Comme nous étions à l’entrée du port des transports, on nous mène à terre à l’aide de petites chaloupes, plus ou moins  stables, car le mer est très agitée; à cet endroit, cela arrive souvent étant donné que c’est l’embouchure de Rio de la Plata. Enfin, nous débarquons sans trop d’ennuis bien que les dames soient un peu émues. La ville est beaucoup moins belle et moins vaste que Buenos Aires Nous passons une très bonne journée avec un commerçant qui nous complimente sur notre désir d’aller défendre notre mère Patrie.

Nous visitons les alentours de la ville entre autres les jolies plages. Ensuite, nous faisons un repas frugal que nous paye ce grand commerçant uruguayen, ami d’un passager du bord. Le chemin de la poste nous est ensuite indiqué ; nous y faisons quelques correspondances et nous reprenons la chaloupe pour rejoindre le bord.

highland lochMontevideo étant parti pavoisé des couleurs nationales mêlées à celle du tricolore, la population de ce pays étant plutôt francophile. Nous rejoignons donc « Highland Loch » où nous restons encore sept jours et en rade attendant chaque instant l’ordre du départ qui n’arrive pas vite. On se distrait par les jeux de bord et la pêche, mon sport favori; ainsi que la pèche à l’albatros qui est assez attrayante mais que le commandant du bord nous empêche de faire.

Mon père m’appelle quelquefois pour l’aider à terminer ses écritures qu’il doit envoyer à Buenos Aires. Je fais un peu la grimace car je vois les autres s’amuser. Puis je m’y mets car je me dis que c’est mon devoir de l’aider.

Le quinze dans l’après-midi nous apprenons que la mer est libre et qu’il n’y a plus à craindre les croiseurs ennemis (Breslau, Goslau) et qu’ils ont quitté les parages américains poursuivis par les destroyers anglais à la bataille des Falkland. Enfin à six heures du soir, nous levons l’ancre et nous voilà partis.

La traversée est plutôt maussade à part les jeux et différentes distractions entre autre la gymnastique suédoise que mon père me fait faire tous les matins de bonne heure malgré mes protestations pour me lever. Quand il ne peut pas y arriver, il en charge mes camarades qui me tirent du lit alors je suis obligé de suivre la manoeuvre.

Je fais journellement des exercices d’assouplissement et le tour du pont une dizaine de fois au pas de gymnastique. Le reste du temps, on se fait des niches avec des jeunes gens anglais de mon âge.

Le commandant du paquebot a reçu l’ordre en partant de Montevideo de marcher les feux éteints à partir d’une certaine zone aussi ne tardons nous pas à voir l’éclairage diminuer et à certains moments supprimé.

wilhem

 

 

 

Quelques jours après, le poste de T.S.F. du navire nous fait savoir qu’un croiseur auxiliaire, Wilhelm der Grosse, nous suit de près. Nous prenons une plus forte allure. Nous voilà en vue de Las Palmas le 25 aout aux îles Canaries. Nous apercevons au loin une fumée noire qui nous annonce l’approche d’un paquebot. L’on distingue bientôt que ce n’est pas à un transport qu’on a y faire mais à une unité de guerre. Peu de temps après on aperçoit  le pavillon mais on ne distingue pas bien sa nationalité. Il se rapproche toujours et nous finissons par croire que c’est le croiseur allemand que nous a signalé la T.S.F.

HighflyerLe pavillon allemand et le pavillon anglais se ressemblent beaucoup. Tout le monde est inquiet. Enfin le commandant nous rassure et nous fait savoir que c’est une unité britannique. Nous distinguons le pavillon anglais maintenant. Ce croiseur (HMS Highflyer) nous signale de stopper afin de reconnaître qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons et la cargaison qui se trouve à bord (viande frigorifique pour les anglais). Il se met à contourner notre bateau. Pendant ce temps, les cris de "Vive la France" et "Vive l’Angleterre" retentissent des deux bords car il y a moitié de passagers anglais et moitié français. Nous battons le pavillon bleu de la marine royale. Quelques heures après nous apprenons par la T.S.F. que ce même croiseur vient de couler le fameux Kaiser Wilhelm der Grosse qui nous suivait si bien. Quelle joie nous prenons tous d’être débarrassés de ce corsaire et c’est avec plaisir que l’on crie "Hourrah Hourrah Vive l’Angleterre".

Nous continuons notre route et arrivons au port de Las Palmas; très jolie petite baie où la mer est excessivement claire. Nous prenons le courrier pour l’Europe et nous partons aussitôt Nous apercevons de nombreux vapeurs allemands dans la rade, gardés et désarmés.

C’est à partir de ce moment que nous avons de nombreuses communications nous donnant des nouvelles du pays qui ne sont d’ailleurs pas très bonnes puisque l’on nous parle de défaite.

Mais, quelques jours après nous avons la satisfaction d’apprendre que notre généralissime Joffre les à roulés à plate couture; qu’il leur a tendu une piège et les a fait remonter au galop vers le nord à coup de 75. (Première bataille de la Marne)

La traversée continue sans aucune anicroche. Le soir suivant nous sommes au large de la Bretagne car nous apercevons la lueur du phare d’Ouessant.

Le lendemain matin nous sommes en pleine Manche; nous voyons déjà que nous sommes convoyés par quelques torpilleurs français dont quelques uns se hasard ent et à nous approcher malgré la houle et ce sont des exclamations de "Vive la France, Vive l’Angleterre" que l’on entend aux deux bords.

L’après midi nous sommes en vue des côtes d’Angleterre avec leurs falaises crayeuses. Le soir, nous arrivons à Douvres où une vingtaine de projecteurs concentrent leurs feux sur le Highland Loch. De l’autre côté, on aperçoit très nettement le phare de Calais.

Un officier le l’amirauté britannique monte à bord et reconnaît l’identité du transport par les explications que lui donne le commandant.

Le premier septembre au matin nous dans la Tamise, nous quittons le paquebot avec un peu de regret. Ce regret est bien passé car on pense au pays. On nous fait donc prendre un bateau dans le genre des bateaux parisiens qui nous fait traverser afin de prendre le train à Greenwich pour Londres.

Nous arrivons donc à la capitale de la Grande Bretagne vers onze heures du matin grâce à l’aide de notre pilote de route, un anglo-normand de l’ile Jersey, très gentil et qui n’a fait que nous distraire pendant toute la traversée. Nous descendons en gare de Charing Cross où nous prenons une auto. Je m’aperçois que Londres est une ville très industrielle et plutôt sombre par ses fumée d’usine. En outre, elle possède de beaux monuments et d’après ce que j’ai vu en chemin de fer, sa banlieue est plutôt gaie et attrayante.

Un ami de papa, qui était à bord avec nous, nous mène à un hôtel très confortable pour nous reposer un peu.

Durant les quelques jours que nous sommes obligés de rester à Londres pour des formalités à remplir, nous visitons la grande cité où nous rencontrons des splendides parcs comme Hyde Parc. La population est très mouvementée et à chaque rue, on voit un bureau d’enrôlement pour les volontaires qui passent en grand nombre dans les rues menés par des soldats.

Le six, à sept heures du soir, nous prenons le train à Victoria Station pour Southampton. Nous sommes heureux d’y retrouver un grand nombre de volontaires anglais, qui prennent le même train que nous. Arrivés à Southampton, nous embarquons pour Le Havre après avoir fait viser les passeports.

Nous démarrons à deux heures du matin le sept septembre et nous arrivons à neuf heures au Havre où nous devons rester ensemble, mon père et moi.

Nous prenons tous deux les renseignements nécessaires. Lui est dirigé sur le camp retranché de Paris et moi vais chercher ma feuille de route pour rejoindre le régiment dont je dois faire partie.

A ce moment je suis seul et je dois me débrouiller moi-même. Je prends donc le train en gare du Havre en quittant mon père avec beaucoup de regret mais avec l’espoir de le revoir dans quelques mois.

A Rouen, je suis obligé de changer de train pour la direction de Chartres. Là, il me faut attendre jusqu’à trois heures du matin avant d’avoir la correspondance et je sens que l’appétit me vient. Je dine donc dans un petit restaurant près de la gare et ensuite, je vais m’étendre sur une des banquettes de la salle d’attente. Dès que le train se forme, je me précipite dans un compartiment de deuxième classe ou je dors confortablement jusqu’à mon arrivée à Chartres. Durant mon parcours, je rencontre à divers reprises les convois de soldats français et anglais, les blessés et les prisonniers boches.

charleseugenie De Chartres, je prends la direction de Vannes afin de passer un moment près de mon oncle et ma tante. Ils sont tous stupéfaits de mon arrivée n’ayant pas eu le temps de les prévenir et très heureux de me revoir. J’apprends que mon oncle n’est plus à Vannes et qu’il est à Brest à son poste, que l’ainé de mes cousins est dans les chasseurs à cheval. Je passe deux jours près de ma tante et je pars ensuite pour Quimper pour avoir ma feuille de route afin de rejoindre le régiment où je dois être affecté. Là, on me dit que c’est à Brest que je dois m’adresser. Je repars donc pour Brest où je retrouve mon oncle Charles qui est très heureux de me revoir. Nous allons ensemble au bureau de la place qui se trouve au Château et j’ai enfin ma feuille de route pour le 28e d’artillerie qui se retrouvait fatalement à Vannes. Mon oncle est heureux pour moi car je serai près de sa famille.

jeanbaptisteJe prends un train l’après-midi le même jour pour Vannes. Là, je me repose pendant deux jours de mon long voyage, car après cinq jours de chemin de fer, je tenais plus sur mes jambes, surtout que le trajet de Buenos Aires m’avait fatigué.

Je rentre donc au 28e régiment d’artillerie le 17 septembre 1914 désigné pour la 69e batterie premièrement comme deuxième canonnier conducteur. Au bout de quelques jours je fais ma demande pour suivre le peloton. Je suis admis, mais malheureusement je n’y reste qu’un mois, le cheval m’ayant fatigué, je suis obligé de quitter pour rentre à l’infirmerie. J’étais aussi fatigué pas mal par la croissance et par le changement de climat. Le major, voyant que j’étais de plus en plus faible, m’envoie à l’hôpital où je reste une huitaine de jours. Je finis par me remettre d’aplomb par les bons soins de sœur Christine. Le médecin-chef m’envoie en convalescence sur le bord de mer près de Vannes, à Larmor Baden avec les blessés de guerre. Les habitants du pays sont aux petits soins pour nous et ne savent que faire pour nous contenter ; nous allons à la pêche, enfin nous avons toute la liberté possible.

Au bout d’un mois, je suis rétabli et renvoyé de nouveau au dépôt. J’apprends malheureusement que je suis rayé du peloton et que mes camarades sont nommés brigadiers. Je fais une autre demande qui est refusé par le capitaine de la batterie étant donné que j’étais trop faible et trop en retard. Je suis donc versé comme servant là enfin je réussis à finir mes classes mais difficilement et en même temps l’année 1914.

Année 1915.

Je reste encore à peu près une quinzaine de jours au dépôt. Je retombe encore malade en commençant par un étourdissement, je vais de nouveau à l’infirmerie où l’on me traite par la suralimentation et des piqures de cacodylate. Je reste donc là une partie de janvier, le mois de février et les premiers jours de mars. Me sentant mieux, je demande au major de retourner à la batterie afin de partir au front avec mes camarades mais il y avait à peine une journée que j’étais dans la chambrée qu’un nouvel étourdissement  me reprend. Alors mes camarades me renvoient de nouveau à l’infirmerie ou je me couche. Le lendemain, le major m’examine et me garde quelque jours. La maladie empirant, il me revoie à l’hôpital ayant comme diagnostic hémichorée  ou maladie de nerfs.

bonne soeur

 

 

 

Mars 1915 – Je suis envoyé à l’hôpital n° 8dw. Là le médecin-chef m’examine et constate la même maladie. Je suis traité par le docteur Gendron, spécialiste. Je suis très bien soigné par les sœurs qui sont très bonnes pour moi en particulier la sœur Anne. Je reste environ une quinzaine de jours sans savoir ce que je faisais. J’ai passé à deux doigts de la mort et Dieu m’a sauvé.

On me traite à l’aide de bains douches et autres remèdes et la sœur me recommande surtout de bien manger.

Je quitte l’hôpital le 15 mai car suis à peu près guéri. Je vais dans un hôpital temporaire où j’obtiens deux mois de convalescence.

Cela m’a fait du vingt mai au vingt juillet. J’avais donc passé deux mois à l’infirmerie et deux mois à l’hôpital n° 8.

pleyber balconJe vais passer mon premier mois à Fontainebleau pour me remettre d’aplomb chez des amis de mon père, la famille Balin. Je suis très bien soigné par ma tante, mademoiselle Olga Balin et sa famille car je suis encore des traitements, douche, massages et suralimentation. Je n’étais plus qu’un squelette qu’il fallait garnir.

J’avais grandi beaucoup pendant mon séjour à l’hôpita. De temps en temps, à Fontainebleau, je vois mon père qui vient passer des bons moments avec nous. Il est capitaine de Génie chargé de travaux d’une partie du camps retranché de Paris. Il vient souvent en permission à Fontainebleau ayant son secteur près de Melun à Blandy les Tours.

Je reste donc un moment là que je passe agréablement en faisant de bonnes promenades à la forêt. Ma tante et moi allons ensuite passer un autre mois à Loudun chez ma tante Marie, qui est heureuse de me voir. Elle me soigne comme son fils et sa fille aînée comme une sœur. Je prends jusqu’à six œufs par jour et des massages. Mon mois se passe vite mais mon oncle, qui est aussi bien gentil pour moi me fait avoir un mois de prolongation de Châtellerault. Ma convalescence se termine bien que toutefois je ne sois pas encore complètement rétabli. Je retourne au 28 n’ayant pu obtenir une autre prolongation. Je reste huit jours au dépôt pendant lesquels je suis absolument libre.

Je passe la visite avec un mot de mon père pour le major : mais ce n’était plus le même. Je ne suis pas reconnu bien que je sois encore malade. Je parle donc au capitaine de la batterie car je m’ennuie trop dans ce dépôt. Il me fait établir une permission permanente me donnant le droit de sortir comme je l’entendais. Au bout de quelques jours je vais retrouver le major car il m’avait dit de revenir; il m’examine et ne me trouve encore rien. Voyant ma patience à bout, je fais une demande pour partir au front. Le capitaine ne veut pas l’accepter ne me trouvant pas assez fort. Je demande au chef de la batterie qui me fait partir deux jours après au groupe de 95. Nous partons plusieurs camarades ensemble nous faisons un bon voyage durant trois jours ayant comme lit une banquette rembourrée avec des noyaux de pêche. Au bout de trois jours de voyage nous arrivons à destination à la gare de Tincques dans le Pas de Calais.

De là nous sommes envoyés à l’échelon du groupe de 95 qui était à Savy–Berlette. Nous y restons quelques jours. On nous interroge au bureau enfin je suis classé comme téléphoniste au bureau du commandant à Mont St Eloi près de Berthonval ancienne école d’agriculture où j’avais fait mes études auparavant et qui est maintenant au trois-quarts détruite par les obus ennemis. On me place dans une ancienne cave de L’Abbaye de St Eloi. Là nous sommes en sureté les murs ayant 0,70 mètres d’épaisseur environ et cette solidité a été vérifié peu de temps avant que je n’arrive car les boches ont envoyé une cinquantaine de marmites de 210 et ils ont réussi simplement à tuer quatre moineaux.

Me voilà donc dans cette cave comme téléphoniste mais je n’y reste pas très longtemps étant donné que j’étais trop nerveux. On me fait remplacer un camarade comme cycliste du colonel pour porter et aller chercher les plis.

Je vous assure que mes nerfs se sont vite abattus car les trois quarts du temps j’étais obligé de marcher à pied par le mauvais temps. Je portais alors ma bécane sur mon dos ne pouvant plus faire rouler tellement il y avait de boue et j’allais assez loin à peu près quinze kilomètres de Saint Eloi à Harmonville où résidait le général.

Mais notre colonel étant un vrai père de famille pour nous nous aurions tout fait pour lui; je me rappellerai toujours un jour où il avait tant plu ; j’étais trempé jusqu’aux os et je revenais de lui porter le pli à une heure du matin ; comme je le réveillais en revenant au cas où il  y aurait quelque chose de pressé il me dit « Alors êtes vous mouillé, changez-vous et surtout ne prenez pas froid ». Enfin c’était un vrai papa pour nous que ce colonel Guède ; cela ne le gênait pas d’entamer la causette avec nous assis sur une pierre dans la cour.

artois

 

 

L’attaque du 25 septembre arrive. Tout est prêt, l’infanterie sort des tranchées à 11 heures et y reste jusqu’à midi. L’artillerie prends alors de plus belle on n’entend qu’une suite de coups de canon sans arrêts semblable à un roulement de tonnerre. Je vous assure que les petits 75 tapaient ferme. Le temps étant trop mauvais, l’attaque rate complètement et le renfort d’infanterie n’étant pas arrivé à temps.

banditsOn réussit quand même à faire quelques prisonniers. Ils sont jeunes, grands et forts et font partie de la Garde Impériale. Ils ont des têtes de bandits.

Enfin au bout de quelques jours, nous recevons l’ordre d’aller au repos. Nous quittons donc Mont Saint-Eloi pour aller à l’arrière à Estree Wamin où nous restons une semaine environ car nous sommes replacés par un autre régiment d’artillerie. Nous prenons son cantonnement pas loin de là à Lignereuil, petit pays très gai où je rencontre un ancien camarade de Berthonval qui me donne des nouvelles des autres. J’allais de temps en temps porter les plis du colonel à Avesnes-le-Comte. Or un soir que je rentrais j’aperçus dans la rue principale du pays la dame de mon ancien directeur ainsi que ses demoiselles. Elles me parlent un peu de tout et me disent que monsieur Malpeaux, mon directeur, se trouvait à Angers au 3e Génie et qu’il avait vu un camarade à mon père qui lui avait causé de lui. Je suis invité pour le lendemain à leur rendre visite ce que je m’empresse de faire et, en même temps je leur dis au revoir car nous devons partir pour Saint Pol le lendemain.

Nous quittons donc Lignerolles pour embarquer le soir à Saint Pol pour la Somme. Nous débarquons en pleine nuit à trois heures du matin par un temps médiocre. Moi et un autre camarade cycliste sommes chargés de reconnaître l’itinéraire devant la colonne afin de faciliter le mouvement.

artillerie

Nous cantonnons à Epagny, joli petit pays où nous arrivons dans l’après midi sur les marais de la Somme. Mais les gens  sont plutôt ours. Heureusement que nous ne restons pas longtemps. Quinze jours après nous allons prendre nos positions de batterie à Cappy ; moi après avoir fait un long parcours à bicyclette et m’être reposé à peine une nuit à Bayonvillers.

Le lendemain en route pour Cappy pour aller se mettre en position et relever des anglais. Cappy est un petit village sur le canal de la Somme où se trouvaient les anglais avant nous.

eclatsdobus

 

 

25 octobre 1915 – Depuis que nous y sommes ce n’est plus aussi calme qu’avant parce que nos vieux 95 ont réveillé les Boches et maintenant il nous vient quelques pruneaux. Un jour que j’allais à Chuignes porter un pli, en passant sur la route qui était surélevée une douzaine de 77 sont tombées non loin de moi mais la plupart sans éclater. Une autre fois, en allant porter un pli à la 49e batterie ce sont les 150 qui ont éclaté à quelques mètres de moi. Je n’ai eu juste le temps que de me mettre à plat ventre et une pluie d’éclats est tombé tout autour de moi sans qu’aucun ne m’ait touché.

Année 1916.

Janvier – Maintenant c’est dans mon cantonnement que c’est arrivé un jour que je balayais dehors j’entends des obus éclater aux environs du village et je ne faisais pas attention. J’avais fini et je rentre quand au même moment j’entends vroum

C’était un éclat d’un obus qui venait d’éclater encore assez loin et qui venait de tomber juste sur le seuil de la porte que je venais de passer à l’instant; pour un peu, je recevais cet éclat sur la tête.

J’attends maintenant ma première permission de six jours car voilà plus de quatre mois que je suis sur le front. Je suis heureux car cela fait plaisir d’aller passer six jours chez ses parents à l’abri du danger. Je tombe malade trois jours avant de partir et pourtant voilà cinq mois que je n’avais rien eu et pourtant, j’en ai vu de toutes les couleurs car par la pluie le jour ou la nuit je pédalais.

Depuis que j’ai remplacé mon camarade au téléphone je me sens moins bien. Il me faut de l’air et du mouvement. Voilà déjà 1916 commencé et je pars en permission demain soir. Alors je vais commencer mon journal au jour le jour pour les choses intéressantes.

28 janvier – C’est la date où je pars en permission bien que je sois pas fort gaillard. Je m’en vais donc le 27 au soir par le ravitaillement du 3e Artillerie à pied chargé de la corvée des permissionnaires. La j’ai cru encore ne pas aller jusqu’au bout car en passant le front de l’Eclusier-Vaux trois obus 105 tombent dans le canal à quelques mètres du fourgon mais heureusement ne nous atteignit pas. Enfin nous voilà en route pour Morcourt où se trouve notre échelon. Une autre voiture nous mène à Guillaucourt où nous devons prendre le train le lendemain. Je couche dans un baraquement destiné aux permissionnaires mais je ne dors pas. Le lendemain 28 nous nous réveillons à cinq heures pour faire timbrer nos permissions pour partir à six heures.

Nous voilà en route pour Crépy-en-Valois notre gare régulatrice. Là on nous dirige sur le lieu où nous allons ayant eu soin auparavant de faire timbrer une autre fois notre permission. Je prends la ligne Orléans – Tours. A Saint Pierre des Corps je prends la navette pour Tours.

loudun

29 janvier – J’arrive à Tours à une heure du matin et je suis obligé d’attendre cinq heures pour avoir mon train pour Loudun. J’y arrive à huit heures du matin et je me dirige directement vers la maison de mon oncle et ma tante. J’y trouve ma grande cousine déjà occupée de bon matin au ménage ainsi que ma tante Marie toutes deux très heureuses de me voir. La petite bande joyeuse rentre à onze heures et saute à mon cou.

J.B. PleyberMa permission compte que du 29 à minuit cela fait que j’ai un jour de rabiot. Je passe six jours tranquillement; cela me semble drôle de ne plus entendre le canon et surtout de coucher dans un lit. Durant ma permission ma tante Marguerite arrive et me trouve si bonne mine qu’elle me fait photographier.

Nous faisons des bonnes promenades. Enfin, le dernier jour arrive malheureusement trop vite; il faut quitter la maison.

Même voyage pour revenir, j’arrive le 5 au soir à Guillaucourt où je couche. Le cinq au matin je pars pour la position.

6 février 1916 – Journée sensationnelle. Je fais une partie du chemin avec mes camarades du 3e à Pied rentrés le même jour que moi. Avant d’arriver à Cappy je rencontre un colonel qui m’apprend que mon commandant Jobet avait été tué ainsi que mon lieutenant de Wismos. Le premier a eu la tête emporté par un éclat de crapouillot et le second la poitrine ouverte. Je vous assure que quand ils me disent cela ça m‘a fait quelque chose car ils étaient tous deux bien gentils pour nous. Je continue mon chemin. Je rencontre en route un grand nombre de troupes d’infanterie et d’artillerie coloniale. Je vais jusqu’à Cappy. Que vois-je ? Toutes les maisons défoncées par les obus. J’apprends une fois arrivé à mon cantonnement qu’il y avait eu un bombardement épouvantable et que nous avions été obligés de reculer. Mes camarades étaient cantonnés dans les caves. Je leur demande ce qu’était devenu mon paquetage. Ils me disent de le chercher qu’ils n’ont pas eu le temps de s’en occuper. Je vais dans mon ancien cantonnement mais plus rien, les colorman avaient passé par là et avaient dévalisé tout je n’avais plus sac ni fusil. Tout juste j’ai trouvé mon sac de couchage qu’un bon camarade avait eu l’idée de sauver.

marmitage

Le bombardement continuait toujours. Mais maintenant nous étions assez forts pour leur répondre car il y avait plusieurs batteries de 75, 95,155,100 et 220 et ça tapait dur.

Je vais voir le capitaine Mardrat qui remplaçait le commandant. Je lui explique mon histoire. Il me dit de continuer nos recherches. Elles sont toujours infructueuses et il me dit ensuite qu’il le fera chercher et m’envoie à l’échelon le soir même. Mon rôle de cycliste étant terminé pour le moment j’arrive donc à Morcourt le soir à neuf heures. Je me loge dans une grange avec les anciens copains de l’état-major.

Le 7 février – Le lendemain je vais ravitailler la batterie. La vie n’est plus si rose qu’avant. Il fait un froid de loup. Nous rentrons encore à neuf heures et demie.

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Le 13 février – Reçu une lettre de ma cousine Renée contenant deux violettes. Rien d’important à signaler durant cette journée.

Le 26 février – Nous quittons nos positions ainsi que l’échelon de Morcourt sous les ordres d’un nouveau commandant venant du 11e : le commandant Durand. La destination est comme toujours inconnue et l’itinéraire est le suivant : de Morcourt à Hailles en passant par Lamotte en Santerre, Marcelcave et Hailles. Nous cantonnons là pour la nuit. Je couche dans une petite voiture dans une remise. Je n’y ai guère bien dormi. Ce jour-là nous avons fait environ 30 kilomètres.

Le 27 février – Nous quittons le cantonnement pour aller vers une autre destination par Tromel, Ailly-sur-Noye, le Bosquel. Là nous sommes arrêtés on nous dit qu’il faut attendre des ordres. L’ordre arrive, nous cantonnons à La Vaquerie. Le capitaine Marchat, me donne l’ordre d’aller transmettre au commandant du 16e artillerie qui est encore à Castel, petit village près de Hailles. Ce jour-là j’ai fait trois fois 34 kilomètres pour rentrer à La Vaquerie à deux heures du matin. C’est un des jours où j’ai souffert le plus car il avait environ tombé sans mentir une épaisseur de 25 centimètres de neige. C’était très dur de pédaler par ce temps et j’étais bien des fois obligé de porter ma bécane sur le dos. Avec cela il faisait un froid terrible. On ne devait pas encore se plaindre car on était à l’abri des marmites. Je transmet donc l’ordre au commandant du 16e et je suis revenu en passant par le Bosquel, par Conty, Belleuse et Lavacquerie. Combien de fois ai-je voulu me coucher dans la neige tellement j’étais fatigué.

Le 28 février – Le lendemain 29 redépart à cinq heures après par une autre itinéraire. Étape assez pénible ayant déjà deux jours de marche dans les jambes mais peu longue. Nous sommes maintenant dans l’Oise depuis le jour précédent; nous faisons 30 kilomètres pour arriver à Reuil sur Brêche. Là je pensais pouvoir me reposer tranquillement la nuit quand le commandant me fait appeler et me dit d’aller porter le compte-rendu de marche à l’état-major du 11e d’artillerie. Là le lieutenant adjoint au colonel me dit que j’allais être en subsistance au 11e d’artillerie. J’y apporte tout mon barda et quitte momentanément le 28. Je passe la nuit tranquille heureusement pour le lendemain avec l’état-major de Montreuil sur Brêche.

Le 29 février 1916 nous partons de Montreuil à six heures et demie pour Hermes. Nous traversons plusieurs pays toujours vers le sud. Nous arrivons à Hermes à une heure de l’après-midi. On déjeune d’un bon rata de lentilles. On se débarbouille un peu car depuis Morcourt je ne m’étais pas lavé faute de temps.

Je me couche à neuf heures jusqu’à minuit. A minuit on me réveille pour porter un pli au 28 encore une nuit qui m’a donné du mal. Je suis ma route en demandant aux civils qui me disent toujours d’aller tout droit. Je suis et j’arrive à environ deux ou trois kilomètres de Beauvais. Ce n’était pas possible. Je rencontre un petit village où je me renseigne mieux. On me dit qu’il fallait remonter. Je prends le chemin qui coupe perpendiculaire à la grande route de Beauvais. On m’avait trompé car je suis et je tombe dans un marais. Là, je mets ma bécane sur le dos et je continue, mais ne voyant pas que ce chemin aboutissait à quelque pays je craque une allumette. Je suis en plein champ labouré. J’avais même perdu mon chemin tellement il faisait sombre au bout d’un moment. Je parviens à le retrouver et je retourne au village d’où je venais. Je demande à nouveau enfin on m’indique bien la route et je continue. J’arrive à Laversines pays en question à quatre heures. Je suis près du commandant. J’attends et je repars retrouver le 11e par le bon chemin et cela me mène à Hermes à six heures du matin.

Le 1er mars – Redepart à six heures trente pour Liancourt. Cette nuit je ne me suis pas reposé. J’ai donc pris ma bicyclette à douze heures à Liancourt et cela me faisait donc douze heures de bécane sans arrêter.

J’étais tout à fait fatigué et je n’avais rien pris encore pas même le jus. Nous restons une partie de la journée à Liancourt ville assez vaste sur la route de Paris - Amiens. Nous y passons la nuit. Un peu plus couché à même le plancher si un camarade ne nous avait pas procuré de la paille.

Le 2 mars – Nous repartons toujours à sept heures du matin pour Sarron en passant par Cinqueux, Monceaux et Pont-Sainte-Maxence. L’étape à été moins longue de quinze kilomètres seulement. Nous sommes heureux car nous devons rester un jour de repos. Le soir je me couche tranquillement et je me repose bien. Ah quelle bonne nuit nous avons passé bien que couchés sur la paille.

Le 3 mars 1916 – Repos dans le pays où nous sommes. Pendant ces sept jours de marche nous avons traversé plusieurs pays dont je ne ma rappelle plus mais je suis certain que nous avons traversé plus de vingt villages.

Le 4 mars – Ce jour j’apprends que le 11 nous quittons ou plutôt que nous devons quitter le 11 car nous sommes deux cyclistes, un du 16e et un du 28e. Nous voilà donc partis avec notre paquetage retrouver le 28 que je ne tarde pas à rencontrer. On m’indique qu’il va à côté du Compiègne. Je le trouve sur la grande route. Le commandant me demande si j’étais fatigué car en effet je ne pouvais plus tenir sur mes jambes à force de pédaler le jour comme la nuit. Je monte donc sur la voiture médicale où je gèle car il neige et il pleut. Maux de tête et vomissements se mêlent à ma fatigue. Nous couchons à Venette près de Compiègne (à deux kilomètres environ) sur un tas de foin. C’est la meilleure nuit que j’ai passé depuis dix jours ainsi je dors comme un plomb sans savoir au juste sur quoi je me suis couché.

coin feu

Le 5 mars – On nous annonce que nous partons en position à neuf heures et demie. A douze heures trente nous n’avons pas encore démarré. Nous quittons Venette et traversons Compiègne pour nous arrêter à Breuil. Il fait un froid du diable. Je couche dans une maison où je grelotte malgré un bon feu qu’on y a fait. Mais nous sommes alertés pour embarquer à minuit. Nous nous couchons et réveillons gelés à six heures. Il neige et il y a déjà dix centimètres de ce tapis blanc.

Le 6 mars - On ne sait si on reste ou si on embarque. On nous annonce que nous devons embarquer le lendemain et de nous reposer pour être frais et dispos pour l’embarquement.

Le 7 mars – Départ de Breuil à quatre heures du matin pour aller embarquer à Rethondes, petite gare d’embarquement. Le train démarre donc à dix heures et prend la direction sud c’est à dire dans la banlieue de Paris (le Bourget, Noisy-le-Sec) De Noisy-le Sec on nous dirige sur l’est. Nous passons la nuit en chemin de fer. Il fait toujours grand froid et pour nous réchauffer nous n’avons que du singe et notre demi-boule, un peu de pinard heureusement.

Le 8 mars – Nous passons une partie de la journée encore dans le train pour débarquer à midi à Einvaux, petit pays de la Meurthe et Moselle. On débarque les canassons et le matériel. Nous avons encore 11 kilomètres à faire avant d’arriver au cantonnement. Enfin nous arrivons, mes camarades sont logés dans une grande mine et moi et les autres cyclistes dans une maison détruite par un 75 qui a provoqué un incendie. Nous logeons dans les dépendances dans un hangar.

Le 9 mars – on nous fait changer à nouveau de cantonnement pour nous faire loger dans le pays à côté de Blainville. Je passe alors cycliste du commandant. Nous sommes bien accueillis et couchés dans un bon lit dans lequel je passe une bonne nuit ainsi me remets de mes dernières fatigues. La neige tombe toujours.

Le 10 mars – Repos. Je porte un pli au colonel au Dombasles, la patrie des charrues, petite ville très industrielle. Nous sommes sur le qui-vive pour repartir plus loin. Je passe la nuit du 10 au 11 au poste de police où je grelotte de froid.

Le 11 mars – Départ à six heures du matin pour se rapprocher du front. Nous traversons Dombasles. Varangeville, industrie de mines de sel gemme et nous arrivons à notre cantonnement à Lenoncourt.

Le 12 mars – Je me couche dans une grange la nuit du 11 au 12. Je me repose bien car je ne tiens plus sur mes jambes et me remets petit à petit. Nous sommes chez un fermier très gentil.

Le 13 mars – Départ à cinq heures et demie le matin pour la position. Je pars avec l’équipe téléphonique. Nous arrivons au cantonnement à Erbéviller secteur assez tranquille.

avion allemandLe 15 mars – Temps épatant on vois que le printemps va bientôt sortir de son nid. Je vais chercher le pinard pour les copains car au patelin il n’y a pas de bistro. Les avions boches se baladent tout le temps et se font canonner tant et plus par des batteries antiaériennes. Des fantassins ont été vus et repérés : une partie a été blessé et les autres tués.

Le 16 mars – La batterie du 11e se fait bombarder carrément.

Le 20 mars 1916 – nous avons la visite de Monsieur Poincaré. Les boches envoient toujours des marmites.

Le 22 mars – Je suis envoyé en remplacement comme cycliste au colonel du 11e d’artillerie à Essey près de Nancy et je vais tous les soirs porter le pli au commandant.

avion français

 

 

Le 24 mars – Mauvais temps le soir il pleut et dans certains endroits de la route je suis obligé de porter mon vélo tellement il y a de boue entre le garde-boue et la roue.

Le 25 mars – Le temps devient meilleur.

Le 26 mars – le mauvais temps reprends. Ce soir-là je rentre à 1 heure du matin à Essey.

Le 27 mars – rien de particulier

Le 28 mars – pluie et grand vent.

Le 29 mars – Je tombe malade avec des étourdissements, des maux de tête. Je préviens mon lieutenant.

Le 30 mars – Le commandant me fait revenir vers lui. Je quitte donc le colonel ainsi que de bons camarades car j’étais très bien avec eux malgré ça. Je rentre à Erbéviller l’après-midi avec tout mon barda. Je retombe et suis obligé de me coucher. Je passe une sale nuit avec d’horribles maux de têtes. Tout cela provient de ma fatigue de vélo.

Le 31 mars – Couché toute la journée mêmes symptômes et cauchemars.

Le 4 avril 1916 – Marmitage avec obus de 210,150 et 105.

Le 1 avril – marmitage avec 88 et 77 aux environs du pays.

Le 16 avril – Départ d’Erbéviller-lèz-Nancy pour aller dans les Bois cantonner dans une baraque Adrian.

avion

Le 26 avril – J’ai vu descendre un avion ennemi qui a atterri dans nos lignes près d’Hoéville en Lorraine. Il a été poursuivi par trois avions français qui l’ont mitraillé et s’est vu forcé d’atterrir à cause des pièces contre-avion et auto-canon qui lui envoyait un fort barrage. Durant la journée il y a eu un fort bombardement par fort calibres.

cagna

Le 17 mai 1916 – Je rencontre mon oncle Charles à Laneuvelotte le 30 mai – ce jour je suis invité à déjeuner avec mon oncle par le commandant Durand on nous annonce un départ momentané

Le 1e juin – rien de nouveau.

Le 5 juin – Départ instantané du Bois du Bocage dans l‘après-midi. Un groupe de 90 nous remplace. Le soir nous cantonnons à Essey. J’ai vu Maxime avant mon départ et j’ai eu le plaisir grâce à la bonté des sœurs de coucher avec un de mes copains dans un lit.

Le 6 juin – Départ d’Essey à trois heures du matin avec beaucoup de regrets de quitter la Lorraine où l’on a été si bien reçu. Embarquement Jarville au destination inconnue. Nous passons toute la journée en chemin de fer ainsi que toute la nuit du six au sept.

Le 7 juin – Nous débarquons le matin et nous faisons une étape de douze kilomètres pour cantonner à Auzécourt petit pays où nous sommes assez mal reçus. Je regrette la Lorraine. Ce jour-là je tombe pour la première fois de bicyclette.

Le 8 juin – Nous passons la journée là. Le commandant achète une vache pour l’ordinaire car le singe on en a par-dessus la tête.

Le 9 juin – Nous passons encore la journée. Je vais faire des courses pour le commandant à Revigny ; commune assez importante, saccagé et brulé par les Boches comme tous les pays de par là. On parle de départ. Je vais chez le colonel le soir chercher les plis. Je passe une nuit blanche. On part le lendemain à trois heures. Je réveille les ordonnances. Je dors une heure et me réveille en sursaut pour le départ.

Le 10 juin – départ à trois heures. On fait au moins de quinze à vingt kilomètres si ce n’est pas plus. Je suis complètement éreinté. On passe dans des endroits où il y a plus de 0,50 mètres de boue et en bicyclette; c’est dur. Je suis obligé bien des fois de la porter sur mon dos. Le commandant me dit d’attendre le fourgon. Je continue encore un peu pensant trouver meilleur chemin mais je n’en peux plus et je me couche sur un tas de cailloux que je trouve bien bon. Je mets ma bécane sur le fourgon et je fais le trajet sur le marche-pieds et à pied. Enfin le soir arrive et nous aussi. Nous cantonnons dans un bois. On est obligé de dresser les tentes pour se coucher. On y arrive tout de même et on se prépare pour dormir. Il y a à peine une heure que je suis couché qu’un camarade me réveille et me dit que l’on part tout de suite ayant reçu un ordre. Je lui demande l’heure il me dit qu’il est neuf heures. Moi qui croyais que c’était le matin.

Nous passons la nuit à marcher. Je vais de nouveau sur le fourgon car je ne me suis guère reposé. De loin on aperçoit des lueurs des pièces car la bataille fait rage sous Verdun. Le matin de bonne heure on arrive enfin sur une crête où l’on nous dit d’attendre le petit jour. Les conducteurs qui passent nous disent qu’il y a beaucoup de morts chez eux. Enfin nous continuons et nous arrivons sous Verdun où ça marmite à ne pas s’entendre causer. Les obus sifflent de tous côtés et tous les cent mètres on rencontre sur la route un caisson retourné ou quelques cadavres de chevaux.

Le 11 juin – Un camarade nous annonce qu’il vient de voir tomber six chevaux et deux conducteurs. Nous sommes cantonnés dans les faubourgs à Belleville. Les pièces sont en batterie dans les maisons : tout le monde fatigué. On se couche comme des  masses par terre et l’on trouve ça bon. On cherche un cantonnement à l’aes marmites. On en trouve un. Ah quelle bonne nuit j’ai passé.

Le 12 juin – je suis envoyé avec un camarade reconnaître le bureau de la division. En route nous trouvons un jardin où il ya quantité de fraises. Nous nous calons les joues malgré le sinistre bruit des marmites qui ne cessaient de tomber non loin de nous.

Le commandant m’envoie en permanence au 118e lourd. Alors là, les marmites ne tombent plus loin de nous (les plus loin tombent à cent mètres) car la route sur laquelle nous nous trouvons est très repérée. Ça barde! c’est le cas de le dire. J’ai heureusement trouvé un lit où je pense me reposer.

Le 13 juin – Je suis blessé au genou par une chute provoqué par le déplacement d’air d’un obus ; Je continue mon service croyant que ce n’était rien.

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Le 14 juin 1916 – Les Boches continuent à tirer de notre côté. Vers le soir surtout c’est plus sérieux. Il tombe un obus tout près de la maison si bien que l’on croyait qu’il avait passé par la toiture.

Le 15 juin - Les Boches continuent la même séance.

Le 17 juin – Je quitte le 118 pour changer de position nos batteries étant à Belleville et allant remplacer un autre groupe de 95 et du 118 lourd. Nous quittons donc Belleville le soir. Nous passons une nuit froide aux échelons sous la tente.

ravin mort

Le 18 juin – Nous partons à quatre heures du matin pour les positions qui sont au Ravin de la Mort. Il y a beaucoup de combats aériens entre boches et français. C’est un très mauvais endroit. On ne fait pas deux mètres sans voir un trou de marmite ni sans voir un arbre par terre. On entend les marmites passer au-dessus de notre tête en sifflant leur fameux refrain Z.Z.Z ! Une marmite tombe à dix mètres de moi. Je n’ai que le temps de me garer avec un adjudant que je connaissais. Plus loin, c’est un 150 qui tombe dans un de nos dépôts de munitions et fait un vacarme épouvantable.

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Le lieutenant m’avertit que je dois aller joindre le commandant Durant à un village voisin : à Belrupt. Nous emmenons les cantines car on nous dit que le ravitaillement est arrivé ; mais quelle est notre stupeur de ne plus voir aucune voiture. Les conducteurs avaient pris les clics et les clacs de peur d’être touchés par une marmite. Nous partons donc avec nos cantines à l’échelon à l’aide d’un chariot de parc qui était venu ravitailler en munitions. Quand à la destination nous ne la connaissons pas ni si nous arriverons à bon port car le marmitage continue surtout vers le Carrefour de la Mort. Nous y trouvons de nombreux caissons retournés et un fourgon avec deux chevaux tués. Nous arrivons aux échelons où nous nous  couchons car nous sommes fatigués. J’étais avec l’ordonnance du commandant.

blessedouaumont blesseLe 19 juin – A huit heures du matin nous allons rejoindre le commandant à Belrupt. Mon genou commence à me faire souffrir. En bicyclette je marche avec une jambe car l’autre, je ne puis plus la remuer. Je vais voir un major qui dit que j’ai une hydarthrose et qu’il est dans l’obligation de m’évacuer. Mais il faut que je parle au commandant. Ce dernier fait aller son ordonnance à l’échelon pour qu’on fasse les papiers nécessaires. L’infirmier vient me chercher avec une voiture ; il dit au commandant que le major de Belrupt veut bien me faire ma feuille d’hôpital. Le commandant accepte aussi. On me la fait et me voilà parti. Avec le regret de quitter un poste si bon et surtout un si bon commandant. Je vais à Dugny d’où l’on m’évacue par auto sur Queue-de-Mala, hôpital non loin de Verdun. De là on m’envoie à Fleury et là je suis embarqué en chemin de fer où je passe la nuit.

Le 20 juin 1916 – Toute la journée en chemin de fer ainsi que la nuit. Nous sommes bien soignés durant le parcours.

Le 21 juin – J’arrive à Fontainebleau le soir à neuf heures où Madame Ballin me fait descendre. J’en suis très heureux. On m’envoie à l’hôpital 14 aux Carmels où je suis bien soigné.

1 juillet – Durant mon séjour à Fontainebleau je ne me suis pas ennuyé. J’ai passé de bonnes journées avec la famille Balin et en faisant de grandes promenades dans la foret.

18 juillet – Je sors de l’hôpital le major m’ayant reconnu guéri et je suis dirigé sur Auxerre, dépôt de convalescents. J’y reste deux jours et je passe la commission de convalescence qui m’accorde sept jours.

Du 20 au 28 juillet – Je passe ma permission à Saumur chez ma tante Marie.

Le 29 juillet – Je prends le train pour retourner au dépôt du 28e artillerie à Vannes.

Le 30 juillet – J’arrive à Vannes ou je retrouve mon oncle Charles qui était en permission. Je rentre à la caserne et je me fais inscrire sur la liste pour partir au groupe de 95. Malheureusement je n’ai pas eu de chance et on m’envoie au groupe infernal car il y a eu beaucoup de pertes.

laboueLe 18 août – Départ pour le front de nouveau. Nous restons trois jours en chemin de fer.

Le 21 août – Arrivée au groupe de 75 affecté à la quarante deuxième  batterie. On me garde quelques jours à l’échelon à Etineheim. On couche sous la tente. Le temps est très mauvais et nous nous trouvons dans la Somme. La canonnade est très vive et la boue on en a jusqu’aux genoux.

Le 27 août – Désigné pour aller ravitailler à la nouvelle position : corvée de rondins.

Le 28 août – Désigné pour aller deux jours aux batteries nouvelles pour construction d'abris. On travaille de nuit et on se repose le jour. Temps épouvantable.

Le 29 août – Date mémorable : on apprend que la Roumanie vient de se joindre aux alliés pour combattre les boches. Deux drakens (saucisses) français prennent feu par l’orage et une troisième casse son câble et file à la dérive.

Le 3 septembre – Grande attaque en face de Cléry. Nous réussissons à prendre le village et nous progressons sur une profondeur de plus d’un kilomètre sur six de large.prisoniers Douze canons, cinquante mitrailleuses et deux-mille prisonniers tombent entre nos mains.

Le 4 septembre – continuation de l’attaque qui semble réussir. Les boches ne tirent pas mais on leur sert quelque chose et n’ont pas le temps de se fortifier tellement la canonnade est terrible. Ils se rendent facilement.

Le 15 septembre 1916 – Avancement des positions et déplacement des échelons qui viennent à Frise. La nouvelle position de la 42e batterie et sur le bord du canal à côté de Buscourt.

Le 20 septembre - On reçoit l’ordre que l’on est relevé. On quitte le secteur le soir et on va au camps 61 aux environs d’Amiens.

Le 21 septembre - On passe la nuit au camps 61 et on part le matin pour Saleux, petit village très industriel on y reste trois jours.

Le 24 septembre – On nous annonce que nous embarquons à Conty. On part le matin, on embarque à sept heures pour la direction de Noisy-le-Sec. On passe devant Paris et nous sommes envoyés sur la direction de Chalons.

Le 25 septembre – Nous débarquons le matin à Chalons sur Marne. De là, nous faisons la route sur vingt kilomètres. Nous cantonnons à Ablancourt, petit pays très gentil. On passe la Marne et le canal. Nous y restons six jours au repos. Je prends de bonnes fritures de perches dans le canal. Quelques revues de cantonnement sont passées mais nos officiers ne sont pas trop exigeants.

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Le 2 octobre – Départ à quatre heures pour les positions. On fait trente-cinq kilomètres et on cantonne dans un petit pays. On y passe la nuit et on repart le lendemain matin à six heures

Le 3 octobre – Continuation du voyage vers l’Argonne. Nous croisons le 24e d’artillerie et en particulier la neuvième batterie où j’ai mon cousin Jobic que je ne peux pas voir étant donné qu’il était chargé de faire les cantonnements . Il descend des positions. Nous passons Sainte Ménehoulde et nous arrivons aux échelons (camp Sonia) Nous y restons une demi-heure le temps de manger la soupe et nous partons aussitôt pour la batterie de tir. Nous arrivons à sept heures du soir à la position sans nous en apercevoir. On n’entend pas un coup de canon. On débarrasse les avant-trains de nos affaires. Nous allons à notre poste téléphonique et on se couche dans des hamacs, dans des gourbis ayant 90 mm d’épaisseur de rondins.

Le 4 octobre 1916 – Après avoir passé une bonne nuit on se lève dispos pour la réparation des lignes et leur bon fonctionnement. A cette époque, j’étais téléphoniste depuis mon arrivée dans la Somme. On a en outre pas mal de travail. Tout cela se fait sans avoir reçu aucune marmite ni même avoir entendu un seul coup de canon. Tout le monde se dit c’est le secteur rêvé à côté de celui d’où l’on sort.

5 octobre – Je cours la plaine avec deux camarades pour réparer une ligne qui ne fonctionne point.

Le 7 octobre – Nous finissons la réparation du réseau téléphonique intéressant la batterie.

Le 15 octobre – pour la première fois je vais dans les tranchées en première ligne pour faire un réglage de tir avec le 75. L’obus tombe près de nous et fait un potin épouvantable.

Le 29 octobre – On nous annonce que nous quittons l’Argonne pour aller reformer une division. Départ le matin de bonne heure de la position. Nous passons la journée aux échelons au camps Sonia près de Sainte Ménéhoulde.

30 octobre – Départ le matin pour cantonner de l’autre côté de Menehoulde dans un petit pays. Il fait un temps épouvantable. Le froid et la pluie ne cessent de se faire sentir.

31 octobre – Départ le matin pour cantonner à Somme Vesle. Petit pays à 18 kilomètres de Chalons. Nous cantonnons dans une grange on s’y trouve bien mais cela ne vaut pas nos bonnes cagnas chauffés de l’Argonne. Il est vrai que l’on est plus à l’abri des marmites.

Premier novembre – fête de la Toussaint. Repos.

Le 2 novembre – Revue par notre nouveau colonel sous une pluie battante. On nous annonce que nous devons rester quinze jours à Somme Vesle. On y est d’ailleurs très tranquilles on se repose bien. Je ne prends le planton au bureau du commandant que tous les trois jours qui n’est pas d’ailleurs très fatiguant.

Le 10 novembre J’obtiens la permission du lieutenant de la batterie pour aller voir mon oncle Henri qui est à la ferme de Piémont à 15 kilomètres de Somme Vesse

henriJe fais le trajet avec un cheval rétif qui refuse catégoriquement de trotter. Il est vrai que la pauvre bête était fatiguée et à chaque instant elle manquait de tomber. Je suis heureux de voir mon oncle Henri que je n’ai pas vu depuis bien longtemps. Nous déjeunons ensemble. Nous assistons durant cette dernière demi-journée à des tirs de nos batteries contre avions.Les « taubes » survolent la région et lancent des bombes ce qui cause l’action de l’artillerie contre-avions.

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Le 24 novembre – Départ à six heures du matin de Somme Vesle pur aller en position. Nous passons à Bussy le Château, à Somme Suippe et nous nous dirigeons vers Perthes. Nous prenons une piste et nous aboutissons aux échelons dans des baraquements. Dans l’après-midi nous partons pour la position qui se retrouve à quatre kilomètres de là. Nous y arrivons et remplaçons le 15e d’artillerie. Les positions sont bien installées mais je n’ai guère le temps d’y faire attention car je suis désigné par le lieutenant pour aller aux tranchées avec l’agent de liaison. Nous voilà donc partis avec un téléphoniste du 15e comme guide. Nous suivons la ligne téléphonique et prenons ensuite la route de Souain à (Sommepy) Tahure. Nous suivons ensuite le boyau et nous aboutissons au poste de liaison qui se compose d’un lit pour le maréchal des logis et pour moi d’un cadre en fil de fer que j’installe sur deux bancs. On s’endort bien car on est fatigué.

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Le 25 novembre – Je vais chercher le jus à l’infanterie car nous y sommes en subsistance ; moi pendant quatre jours et le maréchal des logis pendant dix jours. Je vais ensuite chercher la correspondance à la batterie et j’apprends par un adjudant du 80e territoriale que les cantonnements de mon oncle Louis se trouvent non loin de là près de notre batterie. Malheureusement je n’ai pas pu le voir étant donné qu’il était à Cuperly comme blessé avec la jambe cassé. Une torpille boche de 240 avait éventré sa cagna et avait tué plusieurs hommes qui s’y trouvaient et lui avait été blessé. Durant le cours de la journée quelques grosses marmites boches et des crapouillets nous inquiètent. Le secteur malgré tout est assez calme.

1er décembre – Je suis relevé de mon poste sans avoir rien attrapé. Je rentre au poste téléphonique où je reste cinq jours et je demande à retourner aux tranchées.

Le 6 décembre – Je remonte au poste de Fonterion Vaucher (?) pour toujours faire la liaison avec l’infanterie. Notre cagna est situé sur une côte en contrebas et les boches ne nous voient pas.

Le 8 décembre – Les Boches se fâchent et nous marmitent la matinée avec de 77, 105 et 150 alternativement. Ce même jour un avion boche survole au-dessus des lignes à environ 100 mètres de hauteur.

Le 10 décembre – relève par une batterie et je retourne au poste téléphonique.

cycliste Le 15 décembre – On m’annonce que je passe cycliste. Je commence mon nouveau service par un temps atroce et je suis chargé tous les trois jours de porter le pli au colonel à Suippe et d’en ramener un ainsi que les journaux. Dure corvée par mauvais temps.

Le 17 décembre – Je vais déjeuner avec mon oncle Henri à la ferme du Piémont.

Le 21 décembre – Départ pour la permission que j’ai fait coïncider avec celle de mon père venant de Salonique.

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Le 23 décembre – Arrivée à Saumur où j’ai le plaisir de rencontrer mon père que je n’attendais pas à voir si tôt.

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Le 29 décembre – Départ de Saumur pour aller avec mon père à Paris. J’ai le bonheur de voir mon petit frère.

Année 1917

1e janvier – Départ pour le front avec beaucoup de regrets de quitter mon père.

Le 2 janvier – Arrivée au front je retrouve mes camarades aux anciennes positions car il ne les ont pas encore quittés et pensent les quitter le 12.

Le 3 janvier – Attaque par les Boches qui ne se gênent pas pour marmiter les premières lignes. Ils n’arrivent à rien faire qu’à prendre quelques prisonniers.

Le 4 janvier – Je reprends mon service de cycliste.

Le 11 janvier – Je me fais porter malade ayant de fortes coliques. Le major me trouve 39° de température et je suis évacué le soir même. On m’envoi par retour à l’ambulance 9/11 à Saint Rémy sur Bussy où j’arrive à quatre heures de l’après-midi.

Le 12 janvier – Je passe la visite le matin et le major me trouve de la gastroentérite et dit à l’infirmier qu’il faut m’évacuer sur l’hôpital de reévacuation de Somme Suippe. J’y passe la nuit dans un lit plus dur que celui que j’ai quitte et la salle baraquement en planches est très froide malgré les deux poeles qui s’y trouvent. On me donne du lait concentré sucré comme tout remède.

Le 13 janvier – Je passe la visite le matin et là on me dit que je suis évacué sur Chalons. Je prends donc le train à une heure de l’après-midi  Il part quelques minutes après, s’arrête à Cuperly et à Saint Hilaire aux Temples pour prendre d’autres malades. Nous arrivons à Chalons à quatre heures. Je passe devant le commission d’évacuation 38. On m’envoie à l’hôpital temporaire à Chalons aux Arts et Métiers.

Le 14 janvier – Je passe la visite. Le major me trouve la même maladie. Je suis bien soigné avec diète lactée, purée, pâtes.

18 janvier – Le major me met au petit régime. J’y reste sept jours. On me mets ensuite au grand régime œufs. Je reste à l’hôpital 26 jours

Le 6 février – Je passe la commission de convalescence et j’obtiens vingt jours.

Le 7 – Je quitte l’hôpital pour partir en convalo. Je passe à la caserne Chanzy où l’on me rhabille. Le soir je prends le train pour Paris où j’arrive à minuit.

Le 8 – Je vais jusqu’à la gare d’Orsay. Je cherche un coin pour me coucher. Je trouve une salle d’attente bien chauffée. Je prends le train pour Saumur à 8 heures 15. J’y arrive vers une heure.

Du 9 au 22 février – Convalescence à Saumur.

Le 23 – Je prends le train pour aller voir ma tante Madeleine avant d’aller rejoindre le front.

Le 1er mars – Je quitte Créteil pour prendre la train pour Troyes où je dois être équipé. Je prends le train a sept heures dix et j’arrive à Troyes à dix heures. J’attends jusqu’à minuit et on m’envoie au dépôt des isolés.

Le 2 mars – Je passe une assez bonne nuit avec un cafard pas mal grand. Je couche sur la paille; je regrette le bon lit chez ma tante Madeleine. Je bois le jus et on nous donne rassemblement à huit heures pour aller à l’équipement. Je suis donc habillé à neuf. Je passe encore la journée à Troyes où nous sommes libres. On nous rassemble à 8 heures 30 du soir et nous partons à 22 heures 30 pour Chalons où nous arrivons le lendemain à six heures.

Le 3 mars – On nous dit de prendre le train à 6 heures 45 pour Château Thierry et de là je suis dirigé sur ma gare de ravitaillement à Breuil-Romain dans l’Aisne. Arrive dans l’après midi. De Breuil je vais à Romain où l’on me dit que la division est à Beauriene. J’y vais aussitôt avec un camarade du 127e d’infanterie sac au dos. En route nous avons la veine de trouver des voitures qui nous mènent à Marival. Là nous trouvant pas mal fatigués et la nuit se faisant voir nous nous reposons dans une humble chaumière où nous trouvons un poilu dans le même cas qui nous donne deux lits; Nous nous réchauffons devant un grand feu et nous nous couchons.

Le 4 mars – Après avoir passé une bonne nuit nous nous décidons à partir. J’ai le bonheur d’apprendre que mon groupe a son échelon au village à côté à Maizy. Je trouve tous mes camarades et je donne mes papiers au chef. Je déjeune avec eux et je prends un fourgon à 13 heures de l’après-midi pour aller à la batterie à côté de Jumigny. Le secteur me paraît assez calme. Je me loge avec les téléphonistes dans une petite cagna où nous sommes quatre et où je passe une nouvelle bonne nuit malgré le froid.

Le 5 mars – Je reprends mes fonctions de cycliste. Je me suis aperçu durant mon parcours de la veille que ce secteur allait être un secteur d’attaque car beaucoup de préparatifs y sont faits. Je reconnais le poste de commandant avec le camarade qui me remplace. Les Boches sont assez sages.

Le 9 mars – Nous apercevons un sanglier dans la pleine près de Jumigny. Nous courons tous après avec nos fusils; nous le blessons mais ce sont d’autres qui le prennent le lieutenant ayant donné l’ordre de rentrer de suite.

Le 12 mars – Les Boches repèrent notre batterie et envoient quelques fusants dont les scrapnells tombent près de nous.

Le 14 mars – Je vais porter le pli à Beaurienne au poste du colonel quand tout à coup dans le village éclate des fusants au-dessus de ma tête et les scrapnells viennent tomber à mes pieds. Ce jour-là je l’ai encore paré belle.

C.M. PLeyberLe 20 – Je suis encore de service et je vais au PC chercher le pli pour le colonel quand un moment donné messieurs les Boches se mettent à tirer dans le ravin. Un obus tombe à l’endroit juste où je venais de passer et les éclats volent autour de moi.

Le 18 mars – Je vais voir mon oncle Charles à Jonchery. Je le trouve installé confortablement dans un train. Il est heureux de me voir. Je passe une bonne journée avec lui.

canon hs

 

 

 

Le 25 mars – C’est un dimanche. A dix heures un avion boche survole la batterie et règle la batterie de 150 sur nous. Nous recevons devant la batterie et derrière une vingtaine de mètres. Quelques obus effleurent la cagna de la première pièce. Derrière nous une batterie de 75 du 29e reçoit un obus en plein sur une cagna. Personne n’est atteint. Enfin toute la journée nous sommes bombardés. L’après-midi les Boches ayant reglé re-marmitent une autre fois vers trois heures. Ils nous bombardent carrément mais nous les servons bien, nous aussi. Ils arrivent à atteindre la batterie derrière nous et détruisent une batterie de 75. Le total de obus lancés sur la batterie et autour est d’environ une centaine dont vingt n’ont point éclaté. C’est une triste journée mais malgré tout ils n’ont atteint personne des nôtres. C’est déjà beau car nous avons de la chance. Les obus qui n’éclataient pas faisaient trembler les cagnas et on avait grand peur qu’elles s’écroulent. C’étaient des obus d’environ 0.60m de haut et de 150.

Le 9 avril – On prépare l’attaque dans l’Aisne. La préparation de l’artillerie s’accentue de plus en plus et on voit des jets de terre au-dessus des premières lignes. Les Boches prennent quelque chose.

masqueagaz

Le 11 avril – dans la nuit du 10 au 11 à 11 heures 30 nous sommes éveillés en sursaut par un ordre au téléphone « mettre les masques » car les Boches marmitent à l’aide de gaz suffocants et lacrymogènes. Un de mes camarades sort sans masque prévenir les officiers et les copains mais il est obligé de rentrer aussitôt. Je m’empresse de mettre mon masque et de couler mes chaussures et me voilà parti prévenir toutes les pièces qui sont en plein sommeil. Je manque de tomber plusieurs fois par les fils de fer qui sont autour de la batterie. Pendant ce temps les Boches continuent à tirer des obus asphyxiants qui tombent autour de moi ainsi qu’une pluie d’éclats. Ils continuent toute la matinée et s’arrêtent de tirer vers midi car le vent est tourné vers eux et notre artillerie lourde leur passe une cargaison d’obus asphyxiants tout l’après-midi. Ils l’ont bien mérité car ils nous ont fait pleurer tout notre content ainsi que tousser. Ils ne perdent rien pour attendre car le bombardement augmente en intensité.

artillerie

 

 

 

16 avril 1917 – L’attaque. Après une préparation d’artillerie terrible à six heures du matin les fantassins attaquent et vont jusqu’au delà de l’Ailette. Mais n’ayant pu avoir de renforts ils se retranchent car quelques Boches, environ 80, étaient restés dans des grottes avec des mitrailleuses et mitraillaient les renforts qui cherchaient à sauverla situation de leurs camarades. Ce sont eux qui ont fait rater l’attaque car ils étaient maîtres de la vallée Foulon et l’artillerie n’aurait pas pu passer sans être mitraillé. Et prisonniers allemandsmalgré tout on arrive à prendre les deux premières lignes. Lâchés les fantassins qui étaient trop avancés sont obligés de se replier. Ils se font marmiter par notre artillerie. On voit rappliquer les prisonniers boches. Nous arrivons à faire environ un millier. Tout se passe comme cela et on remet l’attaque à une autre fois s’étant aperçu que les boches étaient aussi forts que nous et qu’il y avait en outre eu pas mal de trahisons de notre côté plusieurs de mes camarades ont été blessés.

Le 18 avril – Le lieutenant de Vismes, commandant la batterie, va aux tranchées l’après-midi et se fait tuer par un obus. Deux autres sous-lieutenants sont blessés et l’un grièvement qui meurt après.

blessé

 

Le 24 avril 1917 – Blessé. Je m’en vais le matin vers neuf heures porter un pli au PC de la part du lieutenant Fremont, notre nouveau commandant de batterie. Je reviens avec le brigadier de tir. Quelques obus boches tombent autour de Vassognes. Nous passons par la 47e batterie puis nous montons la crête quand tout à coup, vers le sommet, nous entendons arriver des marmites qui éclatent à environ dix mètres de nous. Nous nous couchons et au même moment un petit éclat pénètre dans ma veste et se faufile dans mon côté droit à peu de profondeur heureusement mais il me brule atrocement. Je continue mon chemin jusqu’à la batterie où les brancardiers me pansent. Je me dirige ensuite vers le major en serrant la main de mes camarades qui voient que je serai évacué. Le major me panse et me fait une piqure antitétanique puis m’évacue d’abord sur Moulin-Rouge et de là je vais à Beaurienne. L’après-midi je prends l’auto pour Courlandon.

train sa,nitaire

 

Le 25 avril – J’y passe toute la journée et le soir on nous embarque dans un train sanitaire. Nous y dinons et y passons toute la nuit.

Le 26 avril – Nous continuons notre parcours en passant par Eperney et Chalons sur Marne (en Champagne). Dans cette dernière station on nous donne le jus. Nous suivons notre itinéraire et nous déjeunons à Mailly-le-Camp où nous sommes bien soignés. Nous arrivons le soir à Saint Florentin où nous sommes bien choyés et mangeons un délicieux rata. De là nous sommes dirigés dans la Côte d’Or. On nous annonce que nous descendons à Nuits Saint Georges. Nous débarquons à minuit – une heure du matin. Le 27 avril on nous conduit à l’hôpital complémentaire n° 33 où nous sommes bien soignés.

Le 30 avril – Nous quittons l’hôpital 33 pour aller à Cîteaux « abbaye ». C’est un dépôt de convalescents où nous sommes très bien. Nous sommes complètement libres et nous allons à la pêche dans un étang voisin de l’établissement.

Le 10 mai – J’apprends que je vais quitter l’hôpital. Nous faisons de longues randonnés avant de partir car ce pays de la Côte d’Or est admirable et pour certains il est vraiment cher parce qu’il y a du bon pinard.

Le 12 mai - Départ de l’hôpital pour aller en permission. Nous prenons le train dans une petite gare à quelques kilomètres de l’abbaye.

Le 15 mai – J’arrive à Saumur où tout le monde est heureux de me voir et j’y passe une bonne permission pendant laquelle je m’intéresse aux travaux du jardin.

Le 22 mai – Départ à minuit 35 par le train de permissionnaires pour rejoindre la Fère-en-Tardenois, ma gare régulatrice. Le cafard commence à me prendre mais il cessera.

Le 23 mai – Je passe une assez bonne nuit en chemin de fer et j’arrive à Orléans où on distribue le jus comme à l’habitude. Nous prenons un train pour Juvisy et de là une correspondance pour Paris Est. J’y passe une demi-journée et je prends le train à cinq heures dix pour Troyes après avoir bien diné au buffet américain du Soldat à 0 francs 75. J’arrive à Troyes à neuf heures vingt. C’est là ma gare régulatrice. Je passe la nuit à la bourse du travail sur la paille. Le cafard me reprend et finit par m’endormir.

Le 24 mai – Je suis réveillé pour le jus et nous partons tous pour nous faire équiper au magasin du Corps; Puis avec tout mon barda je retourne d’où je venais. Nous passons la journée à Troyes librement.  On nous annonce vers seize heures que nous partons à trois heures du matin pour aller à Mailly. Nous dormons jusqu’à trois heures, tranquillement.

Le 25 mai – Réveil et nous prenons le jus puis la direction de la gare. Là le train est formé. J’embarque avec un camarade du régiment qui était avec moi à l’hôpital. Nous arrivons à Mailly à sept heures. Nous rencontrons le fourgon du ravitaillement qui nous indique où est la batterie. C’est dans un baraquement qu’ils se trouvent. C‘est la vraie vie de caserne et cela me sourit pas trop. Je vais au bureau faire constater mon arrivée. Là, tout le monde me demande mes nouvelles et m’annonce que je suis proposé pour la croix de guerre avec citation ainsi que pour passer premier soldat. C’est tout juste si je ne suis pas tombé à la renverse. Je ne voulais pas le croire quand le fourrier me dit d’aller trouver le lieutenant. J’y vais et ce dernier me dit la même chose. L’après-midi il me demande si je voulais suivre le peloton et je dis oui espérant faire plaisir à papa.

Le 29 mai – Je n’ai rien à faire n’étant pas de service. Je me repose de mes jours de voyage. Je suis proposé par le commandant pour suivre le peloton.

Le 27 mai – Je vais porter un pli au bureau du commandant. Je l’y trouve et il me demande de mes nouvelles. Il me félicite et me dit qu’il m’a proposé pour la Croix de Guerre. Je lui réponds que je n’ai fait que mon devoir.

Le 28 mai – Je commence mon peloton de sous-officier. Je monte à cheval et je manque plusieurs fois de tomber en faisant du trot assis mais le lieutenant me dit que ça viendra. L’après-midi nous avons repos étant le lundi de la Pentecôte.

Le 29 mai – Nous allons aux écoles de feu dans le camps. Je suis chargé de placer les lignes téléphoniques avec mes camarades.

Le 30 mai – Manœuvre de division. J’ai les fesses emportées par les cahots du caisson. L‘après-midi je vais à l’instruction intérieure.

Le 2 juin – Revue du premier Corps d’Armée par le général. L’après-midi, les fantassins se font mouiller par un grand orage. C’est malheureux de les voir souffrir partout

henri

 

 

Le 3 juin – J’ai rendez-vous avec mon oncle Charles à Chalons. Nous nous retrouvons à Sommes Sous dans le même train. Nos arrivons à Chalons où nous nous rencontronscharles marie avec mon oncle He nri et Charles, mon cousin. Nous passons une bonne journée ensemble. C’est la première fois que nous nous réunissons si nombreux depuis la guerre.

Le 4 juin – Je suis relevé du peloton 2 et placé au peloton 1 c’est à dire celui des brigadiers. Le matin, nous faisons du cheval et le reste de la journée de la théorie à part à quinze heures trente où je vais faire du trot assis au manège car je ne suis guère calé pour monter à cheval.

Le 8 juin – Je ne continue plus le peloton étant donné qu’il y a des manœuvres de division. Je n’ai donc fais environ que cinq jours de peloton.

messe Le 10 juin – Date mémorable. J’assiste le matin à la messe à la batterie dite par notre aumônier M. Pouliquen. Il nous fait un petit sermon très bien sur la Fête-Dieu et la consécration au Sacré Coeur. Je distribue à chacun de nous une petite brochure sur la consécration des soldats alliés au Sacré Cœur de Jésus. L’après-midi j’assiste aux vêpres et à la procession du Saint Sacrement. Ce fut une très belle cérémonie et surtout imposante. L’aumônier du 327e de ligne a fait un sermon qui nous a tous ému et nous a fait comprendre Celui qui nous accorderait la victoire et la paix honorable. Vraiment c’était superbe de voir cette procession avec tant de soldats et cette petite église de Mailly si bien décorée de drapeaux tricolores et de quelques-uns portant l’insigne du Sacre Coeur. C’est ce jour que l’aumônier des fantassins m’a donné ces petits drapeaux du Sacré Cœur, emblème de la victoire.

Le 11 juin – J'ai repris ma place de cycliste qui me plait aussi bien que d’être gradé car je n’ai guère d’autorité pour commander de plus vieux que moi et ce n’est pas dans mes gouts.

Le 12 juin – On parle de départ et on espère quitter Mailly le lendemain à sept heures du matin les manœuvres étant terminés. Durant mon séjour je ne m’y suis guère plu c’est trop caserne.

Le 13 juin – Nous quittons le camps de Mailly à sept heures par une belle journée. Je prends ma bicyclette et je marche en avant de la batterie. Nous passons à Arcis-sur-Aube et nous faisons halte à onze heures pour manger la soupe. campementAussitôt déjeuné, nous repartons et arrivons à Bessy, petit pays où nous cantonnons.

Le 14 juin – Nous partons à deux heures et demie du matin ayant à faire environ 30 kilomètres. Nous traversons une jolie contrée nous arrivons vers onze heures dans un petit pays: Tars les Romilly. L’après-midi je vais faire les courses pour le lieutenant à Romilly Nous pensons y rester trois jours mais il arrive un contre ordre que nous devons partir le lendemain à six heures.

15 juin – La batterie étant de jour je pars avec le lieutenant à quatre heures pour faire le logement. Ma bécane était crevé je suis retardé d’une heure. Je connais l’endroit ou nous allons ainsi que l’itinéraire aussi ai-je vite fait de les rattraper et j’arrive juste au même temps qu’eux à un petit pays (Les Vignaux) où la batterie doit cantonner. On prépare les cantonnement et nous allons casser la croûte avec le chef. Juste à ce moment-là arrive le commandant. Nous sommes obligés de laisser tout sur place; omelette et pinard. Mais nous revenons peu de temps après à seize heures je vais prendre la faction du commandant du groupement. Je porte les plis le soir à sept heures et demie et je reviens pour passer la nuit. Cette journée, j’ai fait cinquante kilomètres avec tout mon barda sur le dos. Je passe une assez bonne nuit.

Le 16 juin – Je suis relevé à douze heures par un camarade d’une autre batterie et je rejoins mon cantonnement.

Le 17 juin – Nous quittons les Vignaux et nous faisons une étape de douze kilomètres et logeons à Léchelle, petit pays assez agréable. Mais nous n’avons pas le bonheur d’y rester longtemps car le lendemain nous repartons.

Le 18 juin – Départ pour une autre destination. Nous faisons au moins vingt kilomètres et cantonnons dans une ferme à deux kilomètres du pays principal. Ce jour-là je suis de planton au colonel à quatre heures. J’ai fait au moins cent kilomètres depuis quatre heures de l’après-midi jusqu’à douze heures le lendemain.

Le 20 juin – Nous quittons la ferme pour aller loger à quatre kilomètres de là. Je pars avec le lieutenant pour le logement. C’est à Maréchère que nous cantonnons.

Du 21 au 22 juin – Planton au colonel pour 24 heures. Pas trop de travail.

Le 24 juin – Je suis remplacé par un camarade car je dois partir en permission de sept jours le lendemain. J’apprends le soir de jour je suis nommé premier soldat. Juste le jour de ma fête.

paul

 

 

Le 25 juin – Je pars en permission de sept jours et je prends le train à Villiers Saint Georges. Je passe une partie de la journée à Paris et je vais voir monsieur et madame Fialon ainsi que mon petit frère Paul qui est très heureux de me voir.

Le 26 juin – J’arrive à Saumur à trois heures du matin et pour ne déranger personne je me couche sur une botte de paille sous le hangar.

Du 27 juin au 4 juillet -  Je passe une bonne permission chez mon oncle et ma tante. Je fais de bonnes parties de pêche ;

Le 4 juillet – Départ pour le front à douze heures vingt-huit le soir.  Jour de cafard.

madeleine delfollieLe 5 juillet – J’arrive à Orléans à cinq heures du matin où je prends le jus. Départ pour la direction de Paris à six heures 15. Nous passons à Noisy-le-Sec où je suis dirigé sur la Gare du Nord. J’y arrive à deux heures et demie. Il n’y a pas de train avant neuf heures vingt-six le lendemain matin. Je me dirige donc à Créteil chez ma tante Madeleine qui est très heureuse de me voir ne pensant pas que j’allais venir. Je couche chez elle.

Le 6 juillet – Je repars pour le front et prend le train à neuf heures vingt-six. Ma tante me conduit à la gare ce qui me fait plaisir d’un côté et me cause un peu de cafard quand je la quitte. Je suis dirigé sur Villers-Cottêrets où on me timbre ma  permission et j’ai un train l’après-midi pour Dunkerque car le premier train est dirigé en Belgique.

Le 7 juillet. J’arrive le matin à Dunkerque et on nous dirige sur Bergues. Là on nous dit que notre batterie n’est pas encore arrivée. Nous déjeunons et ensuite nous nous renseignons à la division sur l’endroit où elle cantonne et quand ils arriveront. Nous allons au pays qui s’appelle West-Cappel. Nous y trouvons de très bonnes gens. La batterie arrive le soir vers onze heures et je suis chargé de lui indiquer où elle cantonne.

8 juillet – Je reprends mes fonctions de cycliste et de planton au bureau du groupe. Nous nous disons que nous ne sommes pas loin du front car le canon se fait entendre de tous côtés.

Le 9 juillet – Nous quittons West-Cappel pour aller au front. Le matin je vais faire changer ma bécane qui est cassée. En rentrant je vois mes camarades prêts à partir. Nous quittons le cantonnement pour le front à Ost-Cappel nous entrons en Belgique et nous cantonnons dans une ferme. C’est là qu’est l’échelon.

Le 11 juillet – Le matin je pars aux positions avec tout mon barda. La position se trouve à gauche de la route d’Ypres en face Woesten, petit village très bombardé.

Le 12 juillet – Les Boches bombardent les positions à côté de tout calibres entre 105 et 210. Ils arrivent à démolir la cagna des téléphonistes de la 49e batterie et lui font sauter un dépôt de munitions.

Le 13 juillet – Nous leur fichons un bombardement de 240 quelque chose de salé. On voit derrière les lignes une épaisse fumée occasionnée par nos éclatements et ceux des anglais qui ne cessent pas.

14 juillet – Fête Nationale: amélioration de l’ordinaire et double ration de pinard.

Le 15 juillet – nous bombardons toujours les lignes boches.

Le 20 – Ils criblent la route de Woesten de trois obus et blessent et tuent des chevaux de poilus. Tous les matins je passe sur cette route pour aller chercher les journaux à Stavele pour le groupe.

Le 20 juillet – Le canon fait rage sur notre front et c’est avec plaisir que l’on voit d’épais colonnes de fumée indiquant l’éclatement de nos crapouillots qui leur en déversent tant et plus. Messieurs les Boches ne sont pas à leur affaire. J’ai entendu par un fantassin qu’ils ont évacué les deux premières lignes ne pouvant plus résister sous notre feu de barrage. Depuis quelque temps je ne suis guère bien portant. J’ai des fortes douleurs dans les intestins ce qui m’inquiète et m’oblige quelquefois à rester couché. Le major me donne des purges qui ne me font aucun effet.

Le 27 juillet – Dans l’après-midi j’ai une crise de maux d’intestin. Le major vient me voir et me dit que c’est de l’entérite. Il parle de m’évacuer le lendemain. Je regrette beaucoup de quitter ce coin du front où il se prépare de grandes choses et de voir les résultats. Mais il faut se soigner avant tout et penser que bientôt je reverrai mes camarades qui, je pense, auront bien travaillé.

Le 28 juillet – Je suis évacué le matin et je quitte la batterie à dix heures. Je suis dirigé sur l’HOE Irusky. Qui m’envoie à HOE d’Haringe. Là j’attends un moment et l’après-midi vers quatre heures et demie on m’expédie à l’HOE. de la gare de Dunkerque. Ce dernier hôpital m’envoie à l’hôpital temporaire 57 chez les Petites Sœurs des Pauvres à Rosendahl, faubourg de Dunkerque.

Le 29 juillet -  Je suis très bien soigné mais malheureusement je ne reste pas longtemps. On nous apprend que le lendemain nous sommes reévacués

Le 30 juillet – Départ à six heures pour la gare de Dunkerque. Là, on nous évacue vers dix heures et demie. Nous prenons le train nous y déjeunons copieusement. Nous arrivons à Etaples, lieu destinataire d’où nous sommes expédiés à Paris Plage à l’hôpital temporaire 72.

Le 31 juillet – Dans cet hôpital on est pas mal soigné mais c’est le régime jockey. Il est vrai que ma maladie s’y prête et je n’ai guère faim. Comme régime on me met une bouillotte d’eau chaude sur l’estomac et comme nourriture bouillon et lait. Enfin j’espère être bientôt rétabli et être d’aplomb.

Le 1er août – J’apprends avec bonheur que notre offensive de Belgique a bien réussi. Je suis heureux pour mes camarades et je regrette de n’avoir pas pu y prendre part.

Le 2 août – Anniversaire de la troisième année de guerre.

Le 10 août – Le major ayant vu que ma maladie n’allait pas mieux m’évacue à l’Intérieur. Nous allons jusqu’à Paris après avoir déjeune à Amiens et diné à Creil. A Paris en gare de le Chapelle, on nous annonce que nous prenons la direction de Cherbourg. Nous passons une mauvaise nuit en train.

Le 11 août – Nous arrivons à Cherbourg à sept heures du matin et nous sommes envoyés à l’hôpital temporaire de la Bucaille chez des sœurs et nous sommes bien soignés par un bon major. Ce qui est malheureusement ennuyeux c’est qu’étant à l’Intérieur je ne pourrai plus rejoindre mes camarades et serai envoyé au dépôt.

croix deguerreLe 20 août 1917. Je reçois un extrait de l’ordre de ma citation que m’avait fait parvenir le chef et qui m’a fait grand plaisir. Je m’empresse de me procurer le ruban de la croix de Guerre.

Le 23 août – Je suis proposé par le major pour 45 jours de convalescence.

Le 24 août. Je passe la commission et je suis reconnu pour 45 jours. Je prends le train le soir même à 18 heures pour Paris.

Le 25 août – J’arrive à six heures à Paris et je me dirige sur Créteil chez ma tante Madeleine qui est heureuse de me voir et où je dois passer huit jours. Je quitte Créteil et je prends le train au Quai d’Orsay pour Saumur où je dois passer le restant de mon congé.

Le 1er septembre – C’est à partir de cette date que je passe dans la réserve. Mes trois ans d’active sont passé et c’est à partir de ce moment que je commence le rabio.

lucieLe 28 septembre – Je vais chez ma tante Lucie à Angers. Nous avons des bonnes promenades avec mademoiselle Mad Gaucho et monsieur René Gasté. J’emmène tante Lucie, Mad et Marie-Reine voir les tranchées et je m’amuse de les voir sauter par-dessus.

Le 6 octobre – Je retourne à Saumur pour me préparer à partir.

Le 8 octobre – Départ – car je passe par Créteil où je passe ma dernière journée.

Le 9 octobre – Départ pour le dépôt établi à Clermont Ferrand. J’y arrive le soir et je m’empresse de faire une idée de ce qui est la ville.

Le 11 octobre – Arrivée au 53e d’Artillerie où l’on m’incorpore. Le maréchal des logis me prend au bureau comme …

Le 12 octobre – Je demande à repartir au 272e mais on me dit que c’est impossible car ce régiment est renforcé par d’autres dépôts que le 53. Je demande donc à partir comme volontaire pour Salonique où j’ai l’espoir de retrouver mon père et je suis marqué pour le renfort de l’Armée d’Orient.

Le 15 octobre – Tout va bien. Je continue à me mettre au courant du travail du bureau mais cet air renfermé ne me plaît guère. Je me dis que je dois quand même rester car je suis exempté de corvées et de gardes.

Le 25 octobre. Je reçois ma première piqure anticholérique.

Le 1er novembre Je suis désigné pour partir à Salonique. Je pars le lendemain pour Nîmes dépôt de l’Armée d’Orient pour l’Artillerie.

3 novembre – Départ à six heures du matin par le train de ligne Clermont – Nîmes. Nous passons une bonne journée en chemin de fer parmi une bande joyeuse. A 19 heures nous arrivons à Nîmes. Nous sommes conduits au 38e d’Artillerie qui, n’ayant pas de places pour dormir nous envoie coucher au Foyer du Soldat.

Le 4 novembre – Nous revenons au 38e à huit heures. Nous donnons les renseignements voulus et on nous envoie à la caserne des Passages. Véritable taudis on est très mal nourri et quelquefois pas du tout car les cuisiniers s’en fichent.

Le 5 novembre – Nous réclamons notre permission que l’on n’a pas envie de nous donner bien qu’ayant droit par décision ministérielle.

Le 9 novembre – On nous annonce que nous partons en permission. Quelle joie!

Le 10 novembre – On va faire établir nos permissions et que nous partons le 12.

Le 11 novembre – Ce n’est plus une vie ici. Chaque jour on entend parler de vol de chaussures et de capotes. Quand à la cuisine c’est dégoutant. Les trois quarts du temps on n’a rien a manger. Vivement que l’on parte en perm.

Le 12 novembre - Je pars en permission de 14 jours dont dix jours de permission et quatre jours de délais de route. Je pars de Nîmes à quatre heures du soir en passant par Sète et Bordeaux. J’arrive à Saumur le 13 à une heure 35.

Du 13 au 25 novembre -  Je passe une bonne permission en espérant aussi qu’à la nouvelle qui sera dans un an la guerre sera finie.

Le 25 novembre – Départ de Saumur à une heure 15 pour Bordeaux, Sète et Nîmes.

Le 27 novembre – J’arrive dans la matinée après trois nuits passées en chemin de fer. J’apprends qu’il y a un départ pour Salonique et je m’empresse de me faire inscrire pour partir.

Le 28 novembre – J’embarque à deux heures du matin et nous partons à cinq heures trente pour Marseille dans des wagons à bestiaux. Nous arrivons à Marseille à une heure de l’après-midi à la gare Saint Louis. On nous dirige sur un camp où se trouve un grand nombre de poilus de toutes armes comme nous. Nous devons rester deux à cinq jours.

Le 29 – Après avoir passé une mauvaise nuit pendant laquelle j’ai eu grand froid je me lève et je suis garde de chambrée. Avec quelle hâte on attend le départ car on est mal nourri et mal couché.

3 décembre – Départ pour Tarente. On embarque le matin vers une heure trente. Le train démarre vers deux heures du matin.

Du 3 au 8 décembre – Nous passons cinq jours en chemin de fer. Nous traversons de beaux paysages et sommes bien reçus par les italiens qui nous ravitaillent en route. Nous passons par Nice, Cannes, Menton et Vintimille, première ville italienne après la frontière. Nous suivons la mer jusqu’à Savona. Nous passons à Gènes où nous sommes bien ravitaillés puis de là nous sommes à Livourne où nous devons passer 24 heures mais étant en retard nous n’y reposons pas. Nous passons à Rome, arrivons à Torrente le sept au soir. On nous mène dans un camp. Nous mangeons vite et nous nous couchons assez fatigués des six jours de chemin de fer.

Le huit décembre – Nous passons une bonne journée au camp. Nous n’avons pas de nouvelles de l’embarquement. Un bruit court que nous embarquons le lendemain.

Le 11 décembre – Nous embarquons par un mauvais temps. On nous fait rester une demi-heure sur la jetée d’embarquement sous une pluie torrentielle. Nous sommes trempés comme une soupe. Nous embarquons à bord du remorqueur qui nous conduit au croiseur d’Entrecasteaux. Vieux bâtiment de guerre réduit au transport de troupes. entrecasteauxDurant la traversée en remorqueur je suis encore trempé par la mer qui embarque à bord car elle est déchainé. Je suis transi de froid. Nous montons donc à bord du d’Entrecasteaux. On nous loge dans l’entrepont. Nous appareillons à 15 heures 30 pour Itea. Je suis malade car la mer est très mauvaise et heureusement que la traversée n’est pas longue. Toute la nuit je dors tranquille.

Le 12 décembre – Nous continuons notre traversée tranquillement quand tout à coup le cri Alerte ! se fait entendre. Une torpille vient de passer à vingt mètres du bateau et manque de nous atteindre. Nous montons à notre radeau car c’est là une zone dangereuse. Il peut en arriver une autre qui cette fois peut aller au but. Heureusement nous ne sommes pas dérangés même par les mines. Les torpilleurs qui nous escortent sont très actifs. Nous sommes trois transports à surveiller le d’Entrecasteaux, le Sidi Brahim et le duc D’Aumale. Nous arrivons dans le golfe du Corinthe et à Itea, port du débarquement.

Nous débarquons à huit heures du soir et nous sommes envoyés dans un camp où nous couchons dans des cabanes à moitié démolis où nous gelons durant la nuit.

Le 13 décembre – Nous passons la journée à Itéa, joli petit village grec sur le bord de la mer où le climat est très bon. Le poisson y foisonne.

Le 14 décembre – Nous quittons Itéa à 12 heures 30 par automobile anglaise. Nous faisons un trajet de cinquante kilomètres à travers les montagnes. C’est à voir mais malheureusement il pleut ce n’est pas le rêve. Après trois heures d’auto nous arrivons à Brállos, concentration des troupes d’Orient. Nous allons dans un camp plein de boue où nous logeons sous des toiles de tente Marabout qui viennent d’être posées et sommes obligés de coucher dans l’eau et la boue.  Même pas quelques brindilles comme isolation. Heureusement nous ne devons pas rester longtemps.

Le 15 décembre – Une belle journée se prépare. Nous ne partons pas aujourd’hui.

Le 16 décembre – Je demande une permission au lieutenant de mon détachement et de devancer mon départ afin de retrouver mon père à Salonique. Elle est accepté et je pars l’après-midi avec les permissionnaires. Je passe une nuit plutôt froide mais nous nous réchauffons car on nous donne un quart de jus et du bouillon à Lamia.

Le 17 décembre – J’arrive à Salonique à une heure de l’après-midi et me fais indiquer par un soldat du génie où se trouve la compagnie de mon père. Je ne l’y trouve pas car il est chez lui. Il est très heureux de me revoir et me fait faire un copieux repas. Il m’annonce que je dois rester ici quelques jours avant de partir au front dans un groupe de l’artillerie lourde de la coloniale. Le soir, je vais me coucher après avoir visité Salonique et bien diné.

Le 28 décembre – Je passe une bonne journée à me promener et faire de la correspondance. Mon renfort étant arrivé je m’empresse de rejoindre mon dépôt au 38e d’artillerie 81e batterie. Et je rentre pour coucher à neuf heures. Je ne vais pas si bien dormir la nuit que la nuit précédente

Le 29 décembre – J’ai une permission permanente en attendant de partir au front. Mon commandant que papa connaît est très gentil pour moi.

Année 1918

1er janvier. L’année 1918 commence. Chacun espère que ce sera l’année de la paix. Je suis heureux de passer le premier jour de l’année près de mon père. J’apprends que je dois partir le lendemain pour Florina à la Défense Contre Avion autrement dit D.C.A.

Le 2 janvier – Je passe une dernière bonne journée avec mon père. Je ne dois pas me plaindre car voilà 17 jours que je passe en permission. Il fait un temps épouvantable. J’embarque à 10 heures 45 le soir ; Mon père me conduit à la gare où je rejoins mon détachement. Je suis nommé chef de détachement et me trouve assez embarrassé. En tout cas je trouve à loger tous mes poilus excepté deux qui manquent à l’appel. Nous partons à vingt-deux heures. Nous passons une nuit froide en chemin de fer car les portières ont leur fermeture cassée et l’eau rentre.

soldats saloniqueLe 3 janvier 1918 – Nous arrivons à Florina à six heures du matin. Il fait assez frais. Nous passons au gîte d’étapes qui nous demande les renseignements voulus. On nous loge dehors en attendant qu’il y ait de la place. Je réussis à m’en aller et à rejoindre Florina par le Decauville. Celui-ci me conduit jusqu’à la ville. La je me renseigne et le capitaine de la 85e section D.C.A me renseigne et me voilà parti pour la côte 10.46 avec tout mon barda qui pèse au moins vingt-cinq kilos.  Je déjeune d’un bout de pain et un peu de singe anglais et un bout de gruyère sans oublier mon quart de pinard. J’arrive au sommet de 10.46 après avoir piqué une forte suée. Je fais connaissance avec les poilus et mon lieutenant Je suis placé dans une assez bonne baraque. Nous dinons ensemble et je me couche extenué de fatigue.

lebardaLe 4 janvier – Après avoir passé une bonne nuit je me réveille à sept heures frais et dispos. Mais c’est du repos car il fait très froid. Il vente et il neige. La section se compose de deux pièces semi-fixes et montés sur pivots et rails et dont les appareils de pointage diffèrent totalement du 75 de campagne. Je me mettrai au courant par la suite. Nous faisons un bon feu et restons dans la cagna durant la journée. Vers le soir le vent se lève et durant la nuit une tempête de neige s’annonce. Durant la nuit on a observé – 25° en dessous de zéro.

Le 5 janvier – c’est avec difficulté qu’on se lève car il fait une temps épouvantable. Il neige et le froid est rude. Durant la journée il fait une moyenne de moins vingt degrés. Heureusement que nous avons un bon feu auprès duquel nous restons car il fait mauvais temps et les avions ne nous ennuient pas.

Le 6 janvier – Le temps est complètement changé. Il fait un beau ciel bleu mais les avions boches ne viennent pas nous ennuyer durant la journée je m’exerce aux différentes postes en particulier celui du pointeur en hauteur. J’ai une heure d’instruction par jour par un camarade.

tankLe 7 janvier – Nous avons la visite d’un tank mais n’ayant pas été prévenu il nous surprend et nous n’avons même pas le temps de tirer. Et il est bien loin de nous. Je continue toujours mon instruction.

Le 12 janvier. Le lieutenant m’envoie réparer la ligne téléphonique qui se trouve rompu près de Florina. J’apprends par mon père qu’il est nommé officier de la légion d’Honneur.

13 janvier – Rien d’anormal.

Le 14 janvier – On entend un fort bombardement vers Monastir. Je continue mon instruction en passant au poste de servant de … régleur de dérive et régleur de site.

Le 16 janvier – Un avion boche vient nous rendre visite. Mais il est vite poursuivi par nos coups de canon et c’est avec rapidité qu’il s’éloigne et nos quatre derniers coups portent bien. Nous recevons les félicitations du capitaine.

fokkerLe 31 janvier – Un avion boche du type Fokker de reconnaissance. Le sonnons par un bon tir de 130 obus et recevons les félicitations du capitaine.

Le 1er février – J’obtiens la permission d’aller voir papa. Je prends le train à 11 heures 37 du soir.

josephLe 2 février – J’arrive à Salonique à six heures du matin. Papa est étonné et heureux de me voir arriver.

Le 3 février -  Je passe un bon dimanche à Salonique surtout l’après-midi où j’ai beaucoup de distractions chez la famille Menexis.

Le 5 février – Départ pour Florina à 18 heures 46 par le train poste qui arrive le lendemain à 6 heures trente à Florina.

Le 9 février – Nos tirons contre un boche et il es obligé de faire demi-tour et ne se hasarde pas à revenir sur Florina. Le 10 février – J’ai 24 ans aujourd’hui.

Le 11 février – Je quitte la cagna où j’étais pour aller au bureau de la section comme téléphoniste.

Le 12 février – Le roi Alexandre vient rendre visite au front français. Nous apercevons son auto sur la route de Monastir que survolent plusieurs avions.

neigeLe 16 février – La neige commence à tomber dur. Elle atteint environ 0 m 40. Elle continue à tomber toute la journée et une partie de la nuit. J’apprends que mon père fait partie de la commission de reconstruction de Salonique. La neige atteint en moyenne un mètre et à certains endroits, un mètre 50 et plus. Je vais à l’eau à la source avec des camarades mais c’est avec beaucoup de peine que nous arrivons au but de notre mission. Nous n’avons plus de bois pour nous chauffer ce qui est bien ennuyeux car le froid est intense.

Le 22 février - Le beau temps reviens et nous avons dans l’après-midi la visite d’un Boche que nous sonnons dans les grandes largeurs et il fait demi-tour.

Le 25 février – Je commence à suivre le peloton d’élèves brigadiers de D.C.A. Je passe successivement aux divers appareils afin de me mettre au courant.

Le 26 février – Le menu du jour ne change guère depuis quelque temps. Le matin nous avons : bœuf à la nage avec un quart de jus et le soir singe – pois chiches. Durant le cours de la journée les  avions ennemis ne viennent pas nous déranger le temps étant toujours passablement mauvais et en-dehors du service nous allons, moi et mon camarade, arracher les souches pour le feu et le soir un de nous se dévoue pour aller chercher à l’eau bien que ce ne soit pas très attrayant par cet horrible temps.

Le 27 février – Visite d’un avion boche.

Le 28 février - Deuxième visite de l’avion boche. Nous touchons des obus explosifs qui feront peut-être meilleur travail que nos fusants.

Le 6 mars – Je suis désigné pour aller convoyer une caisse de matériel de la part du capitaine Belz, commandant du groupement de l’AAA de AFO.

salonique1Le 7 mars – J’arrive à Salonique à six heures du matin et je vais prendre le jus chez mon père qui est très étonné de me voir arriver sans prévenir. Je lui raconte mon histoire et je vais dans la matinée remplir ma mission au Petit Kara Bouroum au bureau du commandant Barut commandant de l’AAA de l’A.O. Il s’agit d’une caisse de matériel.

Le 8 mars – Je me rembarque pour Florina à 10 heures dix dans un train de marchandises. J’y passe la journée et une partie de la nuit.

Le 9 mars – A deux heures et demie du matin j’arrive à Florina-gare. La camionnette vient me chercher pour Florina-ville où je vais rendre compte de ma mission au commandant Belz qui m ‘envoie porter cette caisse à la 23e section d’autocanons à Sakulevo. Je rejoins ensuite ma section.

avion allLe 12 mars – Le matin vers 12 heures 30 nous avons la visite d’un avion boche sur lequel nous tirons pour la première fois à explosifs. L’après-midi vers quatre heures nous recevons la visite du commandant Barut. Revue et présentation de la section.

Le 26 mars – On nous annonce du poste de T.S.F. que l’attaque allemande bat son plein et que les anglais reculent et ont d’énormes pertes. Les allemands présentent 970 divisions en face d’eux.

Le 28 mars – Les français ont pris la place des anglais et retiennent le coup. On annonce la prise de 38000 prisonniers.

Le 29 mars – Les français progressent de deux kilomètres sur une largeur de dix kilomètres face à Montdidier.

Le 30 mars – La poussée s’accentue et la confiance règne malgré le sanglant échec…J’obtiens une permission pour les fêtes de Pâques pour aller voir mon père.

Le 1er avril – L’avance est complètement arrêtée et les Boches ont gagné un peu de terrain mais avec 400000 hommes hors de combat.

Le 2 avril – Je rentre de permission de Salonique ayant obtenu 48 heures pour aller voir mon père pour les fêtes de Pâques.

contreavionsLe 5 avril – Le Fritz vient nous rendre visite mais plusieurs obus éclatent autour de lui et il fait drôle de figure et change d’altitude et de vitesse.

Le 18 avril 1918 – Le capitaine me fait appeler pour aller porter un paquet à Salonique. J’ai le plaisir de voir mon père qui est tout étonné de me voir arriver. Je passe un bon moment près de lui.

Le 20 avril – Je rentre à la section par une belle journée de printemps ayant apporté quelques poules pour l’ordinaire .

Le 18 mai – Je pars pour Salonique en permission de 48 heures

Le 24 mai – Je remplace le brigadier d’ordinaire pour quelques jours. Mon travail consiste à aller à l’intendance afin d’y prendre les vivres et de faire la distribution pour les postes éloignées. Ensuite je vais à la poste faisant ainsi fonction de vaguemestre. Je vais donc chercher les lettres de la section et les paquets et toucher les mandats quand c’est nécessaire. C’est assez dur car il y a la côte à monter chaque jour.

Le 27 mai – Nous apprenons que les boches ont repris l’offensive en France ce qui nous inquiète un peu. Ici l’activité se fait sentir et dans la région de Pogradec nous progressons de 18 kilomètres avec succès.

Le 29 mai – Les Boches avancent en France d’après le communiqué. On nous annonce la prise de Fismes.

Le 31 mai – Ils continuent leur avance. On se bat dans les rues de Soissons. On est très inquiet sur la situation et on a l’espoir que le haut commandement fera le nécessaire.

confsaloniqueLe 1er juin – Je quitte mes fonction de brigadier d’ordinaire et de vaguemestre pour reprendre celles de téléphoniste. Mon père m’apprend qu’il va à Athènes pour ses affaires. En ce moment le temps est vilain et on ne peut pas abattre d’avion.

Le 22 juin – Mon père vient me rendre visite à Florina avant son départ en permission. Nous passons de bons moments ensemble. Il repart pour Salonique le soir après avoir demandé à l’état major mon changement d’arme et mon passage dans une batterie lourde du 345e d’artillerie 9e batterie avec un ami à lui.

Le 24 juin – Jour de ma fête qui m’est souhaitée par mes camarades.

Le 1er juillet – Je quitte la 85e section de DCA du 63 pour aller à la 1ère batterie du 145e d’artillerie lourde. Mais ce n’est pas la batterie où je dois aller. Enfin j’espère y arriver sur la demande du commandant. Je suis avec de bons camarades qui me  reçoivent très bien.

Le 4 juillet – Je suis toujours aux échelons du 145e d’artillerie lourde en attendant ma nouvelle destinée.

Le 6 juillet – Je me rends à la position de batterie pour le ravitaillement et j’y arrive à 22 heures. Durant le parcours et la traversée de Monastir nous ne sommes pas marmités.

Le 7 juillet – Je commence mon premier tir avec des pièces de 105 mais aussi … les obus de 150 et 210 pleuvent autour de la position et des positions d’artillerie lourde environnantes. Pendant que je creuse l’entrée d’une sape dans le roc un éclat me tombe près du pied. Je l’ai encore paré belle. Le tir boche commence à sept heures et demie et continue jusqu’à la soupe. Pendant ce temps un avion ennemi survole la position à faible altitude.

Le 8 juillet – J’apprends le pointage à la pièce et j’espère réussir car ca ne me paraît guère trop difficile. Les Boches nous laissent tranquilles toute la journée. A part Monastir sur qui ils lancent quelques obus.

marmitageLe 10 juillet – La batterie est marmitée l’après-midi par du 150 percutant deux obus tombent à cinq mètres de la cagna. Deux de mes camarades sont renversés par le déplacement d’air et moi je m’empresse de rentrer. Je l’ai encore paré belle. Le chef m’apprend mon départ de la batterie pour aller à la 9e du 345e où se trouve l’ami de mon père. Je ne suis pas fâché, car j’y serais resté plus longtemps ici j’aurai été surement attrapé. Dieu m’a encore préservé.

Le 11 juillet – Je quitte la position et ensuite l’échelon du 145e. De là je me rends à Florina pour Salonique et ensuite être dirigé sur Bohemica où se trouve la 9e du 345e.

14 juillet – Je passe les fêtes à Salonique assez agréablement.

Le 16 juillet - Je pars de Salonique pour ma nouvelle destinée. Je prends le train à 14 heures à la gare des Orientaux avec un peu de cafard de quitter mon ami Crocq. J’arrive à Bohemica à 7 heures et j’y passe la nuit du 17. Je repars pour la position qui se trouve à 30 kilomètres de là après avoir marché quelques kilomètres à pied avec tout le barda. Ensuite je rencontre le Decauville sur lequel je fais un tr

ajet jusqu’à L’Arbre Noir. Là je me renseigne et me fait nourrir au TR d’un groupe du 345 où je suis bien reçu. Je prends … qui me conduit près des échelons de la 9e batterie que je rejoins. On m’annonce que le lendemain je dois aller à la batterie.

Le 17 juillet – Je me rends à la batterie et suis présenté au capitaine Glémara qui me demande plusieurs renseignements et me cause de papa. Il m’invite à suivre le peloton pour passer brigadier. Je retourne ensuite aux échelons où je m »installe avec un soi-disant cousin qui s’appelle Pleyber Yves. J’aide un camarade à creuser un cagna pour âne. Je reste avec mon cousin.

marmitageLe 19 juillet – Les Boches font sauter un grand dépôt de munitions face aux échelons. Le soir je tombe malade avec 39 de fièvre.

Le 20 juillet – Je suis toujours malade avec autant de fièvre le soir. On me fait une piqûre de quinine. Je reste toujours couché.

Le 21 juillet – Toujours la même chose. Je ne mange rien et boit du lait condensé. Le major vient me voir et me commande une purge pour le lendemain.

Le 22 juillet – Je me purge et le soir je rejoins la position le capitaine m’ayant fait demander mais je pouvais à peine me trainer étant très faible. Arrivé à la batterie on me met dans la cagna d’un copain qui est parti.

Le 23 juillet – Les Boches se fâchent et balancent des marmites un peu partout. Ma santé ne va pas mieux. Je commence à manger peu mais presque rien.

Le 25 juillet – Je me porte beaucoup mieux et l’appétit revient.

Le 27 juillet – Je commence mon peloton d’élève brigadier avec l’espoir de passer dans les deux ou trois mois. Le peloton n’est pas trop dur étant donné qu’il n’y a pas de cheval.

Le 8 août – Exercice sur le gaz asphyxiant.

Le 12 août – Départ du Skra-di-Legen pour une autre position. Nous quittons la position le soir les poilus par fourgon automobile et les pièces par tracteur.

Le 13 août – Nous arrivons à un cantonnement sur le bord d’un gué. Nous y restons quatre jours pendant lesquels nous nous reposons.

artillerieLe 17 août – Départ à 11 heures et demie avec les pièces tractées par les chevaux pour Yeni Taze Vardar. Nous arrivons le soir à 10 heures et demie en détachement. Nous logeons dans une caserne ou nous dormons bien.

Le 18 août – nous quittons le pays à 19 heures en colonne à pied et nous devons nous appliquer 26 kilomètres sans étape pour aller à Vertekop. Nous arrivons le 19 à quatre heures du matin avec les pieds blessés et extenués de fatigue. Nous devons y séjourner jusqu’au 24 pour nous reposer et attendre la traction automobile. C‘est avec le plus grand plaisir que l’on se baigne dans la rivière qui passe à côté de notre cantonnement ce qui nous défatigue.

Le 24 août – Je suis versé à la cinquième pièce pour faire fonction de brigadier de tir à la position. Nous quittons Vertekop par auto à seize heures et nous arrivons à 18 heures à un petit pays où nous cassons la croûte. Ensuite nous continuons notre route pour arriver à minuit au cantonnement où nous couchons à la belle étoile ne sachant où nous mettre. Nous devons y séjourner un jour et demi avant de monter à la position.

Le 26 août – Les tracteurs viennent nous chercher pour nous conduire en position. Nous partons de l’échelon à 19 heures et nous grimpons la montagne à pied suivant les pièces. C’est bien fatiguant mais l’on se dit que c’est la dernière étape et l’on fait les quinze kilomètres sans rien dire. A un certain endroit les tracteurs nous quitte et on garde les pièces en attendant que l’on vienne les chercher la position n’étant pas déterminée. La colonne à pied continue guidé par un ravitaillement en munition. Nous arrivons enfin à trois heures du matin. Je me couche au pied d’un arbre et dors les poings fermés par terre sans couverture.

Le 27 août – On se lève transis de froid car l’on se trouve à 1600 mètres d’altitude. A huit heures et demie on boit le jus et l’on prépare ensuite la cagna qui se compose de deux toiles  de tente pour tout abri.

Le 28 août – Rien à signaler à part quelques obus ennemis qui éclatent assez loin de la position. Le lieutenant m’annonce que je fais fonction de brigadier de tir et je dois m’occuper des munitions.

Le 29 août 30 août – Le ravitaillement en munition continue toujours et les pauvres conducteurs sont bien fatigués.

Le 6 septembre – Les Boches marmitent les alentours de la position pendant que je relève le point avec le lieutenant. Les éclats pleuvent autour de nous. Le communiqué officiel nous annonce la prise de Cambrai et de Denain. C’est avec le plus grand plaisir que nous voyons se dérouler les évènements qui se passent en France et l’on serait désireux d’en faire autant.

Le 10 septembre – Les bulgares commencent leur séance à 18 heures au moment de la soupe. Ils envoient une centaine d’obus de divers calibres, 120, 150, 105, 75 qui ne causent pas de dégâts mais les éclats sont mauvais. Un batterie de 75 près de nous est bien encadrée. Une caisse de fusées saute mais ces messieurs n’ont rien perdu pour attendre car d’ici quelques jours ce sera leur tour car le grand coup se prépare.

Le 14 septembre – La journée du 14 septembre les réglages par avion commencent ainsi que les tirs de destruction. Autour de nous il y a une grande quantité de troupes serbes qui attendent pour partir de l’avant. Les batteries de divers calibres commencent leur tapage infernal à huit heures. Notre tour arrive et nous aussi, entrainés par le bruit et ivres de l’odeur de poudre, nous tirons sans cesse sur les positions bulgares. Et cela dure toute le nuit jusqu’à cinq heures trente le lendemain.

attaqueLe 15 septembre – Attaque générale sur tout le front d’Orient. A cinq heures 30 les coloniaux sortent des tranchées et s’emparent des premiers objectifs assez difficiles à prendre. Les prisonniers descendent et je commence à en compter mille pour la première journée. On m’annonce que l’avance continue avec rapidité et je suis bien obligé de le croire car nous sommes déjà hors de portée. Le capitaine nous annonce que le lendemain nous quittons la position pour aller dans un endroit. Bien que fatigués, nous nous préparons à partir.

Le 16 septembre – Après un déjeuner vivement absorbée nous quittons la position pour rejoindre l’échelon. Nous y passons la nuit. On nous annonce que tout marche bien dans les autres secteurs.

Le 17 septembre – Départ de Pojar à 11 heures 30 par tracteur qui nous mène d’abord à Vertekop (Skydra) où nous passons un jour.

Le 18 septembre  -  Départ pour Ostrovo toujours par tracteur. Le voyage se passe bien bien que les camarades soient bien égayés par le pinard et les bonnes nouvelles.

lepinardLe 19 septembre – Nous quittons Ostrovo le 19 matin pour Banitzov où nous débarquons à 11 heures. Le repas se compose d’une boîte de singe pour deux et de deux quarts de pinard.

Du 20 au 22 septembre – Nous restons à Banitzov attendant notre départ pour le nouveau front où ca a l’air de chauffer car on entend fort loin la canonnade. Nous nous approvisionnons dans une cantine anglaise très bien achalandé qui nous sert très consciencieusement Nous passons notre temps à y aller prendre des thés au lait et des biscuits.

Le 22 septembre – Départ à deux heures par tracteur pour la direction de Monastir. Je passe à Florina et j’aperçois de loin mon ancienne position de D C A et je suis heureux de l’avoir quitté étant donné que ça marche si bien. Nous arrivons au cantonnement à six heures du soir près d’Haliven. Nous entendons la canonnade qui redouble de force et des bruits qui courent montrent bien que les barbares prennent la tannée.

Le 23 septembre – Nous nous reposons et attendons notre départ pour la poursuite qui je l’espère ne tardera pas. Le journal nous fait savoir que tout va bien ainsi qu’en Palestine où nos amis les anglais progressent et s’emparent de cent canons et 18 000 prisonniers.

Le 24 septembre – Nous sommes toujours à l’échelon attendant notre départ qui a lieu à 3 heures trente pour la position. Nous apprenons encore que les anglais ont fait 25 000 prisonniers et pris 240 canons. A quatre heures nous quittons l’échelon ; nous traversons la plaine de Monastir par une poussière formidable. Nous arrivons enfin après avoir traversé les tranchées bulgares sur des petits ponts de bois. Nous manquons plusieurs fois de tomber dans quelque abri bulgare. La position se trouve en plein champs. Et au clair de lune on a une vague idée de la guerre en rase campagne en voyant les pièces alignées sans abri.

Le 25 septembre – Après m’être reposé assez tranquillement dans une vieille tranchée on s’est trouvé une bonne épaisseur de … avec un bon rhume la nuit ayant été très fraiche. A dix heures on nous rassemble et on m’annonce ma nomination de brigadier. Nous attendons toujours pour recommencer le bala avec les Boches. Dans la nuit du 25 au 26 les tracteurs viennent chercher les pièces pour les avancer signe que les Boches ont reculé.

Le 26 septembre – Nous quittons la position avec la voiture téléphonique pour rejoindre les pièces. Nous prenons la route de Monastir Prilep. Nous apercevons quelques villages où les bulgares n’ont pas eu le temps de l’emparer du foin. Nous passons près d’un parc du génie boche rempli de matériel. Ensuite nous allons cantonner près d’un village brûle par les Barbares. Les pauvres malheureux qui restent sont bien à plaindre et je me fais un devoir de réunir les enfants et de les emmener près de la batterie afin quon leur donne à manger. Nous nous couchons ensuite et espérons que le lendemain nous avancerons encore.

troupes serbieLe 27 septembre. Lever à 5 heures 30 et départ aussitôt après le jus. Nous retournons sur nos pas pour aller dans l’ouest. C’est bien dur de marcher ainsi mais l’on prend son courage à deux mains car l’on court ver la victoire finale. Je n’ai même pas le temps de coudre mes galons de brigadier. Les camarades qui reviennent du front nous annoncent toujours le recul bulgare. Ils se trouvent à Veles à 40 kilomètres de Prilep qui est prise depuis plusieurs jours.

Le 28 septembre.  Nous quittons notre nouveau cantonnement à huit heures et montons toujours vers le nord car les Bubulles décampent à toute vitesse. Tout le long de la route on trouve des casques boches de tranchée, des dépôts de munitions qu’ils ont fait sauter et du matériel d’artillerie en particulier une pièce de 149 mm modèle 1917 venant des usines Krupp ainsi qu’un grand nombre de munitions et de nombreux jardins potagers aussi quand nous arrivons au cantonnement le soir nous sommes heureux de goûter une bonne soupe aux choux qui nous avait défatigué.

Le 29 décembre – Nous partons de nouveau à 12 heures et rencontrons quelques prisonniers. C’est bien dur de marcher ainsi mais en route les nouvelles sont bonnes et l’on marche avec courage dans le chemin de la victoire. Nous cantonnons le soir dans la plaine de Sop. On entend le canon car les bulgares ont été rattrapés. Ils sont à 10 kilomètres mais nous ne pouvons mettre en batterie.

Le 30 septembre – Après une bonne nuit on se réveille dispos pour recommencer mais on apprend que la Bulgarie avait demandé l’armistice et que seize divisions sont encerclées ou coupées. D’autre part, les italiens fichent la pile aux autrichiens. Tout va bien il ne faut pas désespérer.

1er  octobre – Les nouvelles sont toujours bonnes. Tout le monde est content car on va vers l’extermination de nos ennemis. On apprend que nous partons le lendemain. Dans la nuit grande bombance à la batterie. Des poilus ont trouvé des tonneaux de pinard qui fuyaient à l’intendance à côté et c’est une vraie scène de cinéma que de les voir partir avec des tonnelets, des bouteillons et des bidons auprès du tonneau de 300 litres. Il y en a de couchés par terre sous l’auto qui dégustent goutte à goutte le doux breuvage. Il y a aussi un tonneau de gnole qui fuit et c’est la même vie que pour le pinard. Aussi quand il s’agit de s’en sortir ils n’en peuvent plus et on recours aux camarades plus sérieux. D’autres ramènent des sacs de pain qu’ils ont barbotés. Il est vrai qu’ils rattrapent le temps perdu ayant été privés de pinard et de pain depuis plusieurs jours. C’est un potin du diable sous les toiles de tente: on chante, on crie on se dispute et on se raccorde avec le pinard.

Le 2 octobre – Départ à 6 heures 30 pour la direction de Prilep. Il est difficile de réveiller les poilus après la bombe qu’ils viennent de faire. Mais on y arrive quand même. Nous déjeunons à 12 heures à Pribiler potage salé et singe. Nous repartons à deux heures cantonnons dans un petit pays. Durant notre parcours nous avons rencontré beaucoup de matériel ennemi en particulier de chemin de fer étroit et des obus de tout calibre que les boches n’ont pas eu le temps de ramasser.

Le 3 octobre - Départ à 7 heures 30 pour Prilep. Nous y arrivons vers 4 heures de l’après-midi.  C’est une très belle petite ville que les bubulles ont laissé intact. On y rencontre des soldats alliés qui fêtent la victoire et des prisonniers italiens et roumains délivrés de leur pauvre sort. Nous cantonnons près de la ville et nous devons y rester quelques jours avant de repartir vers le nord.

Le 4 octobre – J ‘apprends que mon père est rentré de permission . Je m’adresse au capitaine afin d’avoir une permission avant notre départ pour l’avant Mais il me dit d’attendre quelques jours afin de se renseigner si l’on part bientôt.

Le 5 octobre – Revue de paquetage règlementaire. Il fait un temps épouvantable. Nous couchons sous la tente individuelle sur la terre.

Le 6 octobre – Le mauvais temps continue et l’on apprend que les nouvelles sont toujours bonnes et l’on se résigne à la misère en pensant que l’on attend bientôt la fin. Quelques uns de mes camarades sont évacués pour la grippe espagnole qui a l’air de vouloir prendre pied sur nous.

Le 11 septembre – Le capitaine donne la permission d’aller voir mon père à Salonique. J’en suis très heureux et pars le soir même à l’aide d’une petite auto jusqu’à Monastir qui est à 40 kilomètres de Prilep. Nous arrivons à 11 heures après maintes péripéties. (passage d’une rivière; pneu crevé) Je me dirige vers la gare et je me renseigne par quel train je pourrai partir. On m’indique un train de marchandises qui part aussitôt. J’embarque dans un wagon de première classe et je m’endors jusqu’à Florina. On y arrive le lendemain matin

Le 12 octobre – je change de train et je file vers Eksison où l‘on nous annonce qu’il y a eu un déraillement à Ostrogot. Là j’attends jusqu’à six heures et je prends le premier train filant sur Salonique la ligne étant réparée. A Vladovo je descends pour prendre le train-poste qui me fera arriver plus tôt.

Le 13  – J’arrive à Salonique vers les 10 heures du matin et je me rends chez mon père qui est heureux de me revoir.

Le 14 octobre – C’est un dimanche matin ; dans les rues on annonce que les boches ont accepté nos conditions et l’on s’attend bientôt à la fin des hostilités surtout que sur tous les fronts tout continue à bien marcher. Les Boches sont roulés. Le reste de ma journée se passe agréablement avec mon père chez ses amis.

Le 16 octobre – Départ de Salonique pour la batterie. J’ai un peu le cafard mais je me dis que dans peu de temps on sera libre.

Le 17 octobre – J’arrive le matin à Monastir à 9 heures et je rejoins Prilep où se trouve mon unité par autocamions. Je prends le jour en arrivant ce qui ne me plait pas de trop. J’apprends que bien d’autres camarades sont évacués.

Le 18 octobre – Nous apprenons que tout va pour le mieux en France et que l’on ne veut pas traiter de paix avec le gouvernement boche actuel. La Turquie réclame l’Armistice à grands cris. Nous faisons des châteaux en Espagne calculant que dans trois, quatre ou six mois on sera peut-être en France. Je suis nomme garde le soir.

Le 19 octobre – Le temps se fait vilain et on se demande si l’on va souffrir de la pluie comme il y a quelque temps car l’on n’a qu’un toile de tente pour tout abri et l’eau pénètre facilement dessous et à travers.

Le 20 octobre – Je vais de corvée de foin à vingt kilomètres de la batterie. Je pars à 6 heures et je rentre à seize heures assez satisfait de ma journée.

Le 24 octobre – Rien à signaler ; on ne sait pas si l’on va quitter Prilep. On le désire de grand cœur car l’endroit où l’on se trouve est très malsain et le temps très vilain.

Le 26 octobre – On déménage de notre marais pour aller cantonner dans les maisons de Prilep.

Le 3 novembre – On nous annonce que d’ici quelques jours on va partir de l’avant.

Le 4 novembre – On apprend que la Turquie a complètement plaqué l’Allemagne.

Le 5 novembre – L’Autriche, suivant l’exemple de la Turquie et de la Bulgarie, l’empresse aussi à plaquer la Bochie.

Le 6 novembre – La batterie va le matin à l’enterrement de deux camarades décédés à l’hôpital de Prilep par la grippe espagnole. Je suis détaché comme brigadier de piquet d’enterrement avec six hommes.

Le 7 novembre – On quitte Prilep pour monter vers Nich.

Le 10 – On arrive à Veles après trois étapes de vingt kilomètres chacune. On y séjourne un jour pour nous reposer.

rethondesLe 11 – Repos à Veles. On apprend l’abdication du Kaiser.

Le 12 - Départ pour la direction de Nich. Je suis chargé du cantonnement avec le courrier depuis notre départ de Prilep et comme dit le capitaine je fais mes classes à cheval n’ayant pas souvent monté. Nos apprenons par T.S.F. que l’Allemagne lâche tout et réclame les conditions d’Armistice. Les parlementaires ont passé les lignes et la Révolution prend des grandes proportions en Prusse.

Le 14 – Nous arrivons dans un petit pays ou nous sommes bien reçus et cantonnons chez l’habitant.

Le 15 – Nous cantonnons à Talamopisé ou on est obligé de cantonner sous la gitoune par un froid de loup.

Le 16 – On se lève après avoir gelé toute la nuit. On se repose durant la journée et on apprend que les conditions d’Armistice imposées à l’Allemagne sont très dures.

Le 17 – Nous continuons notre marche par un temps épouvantable, pluie, neige, vent et boue.

Du 18 au 24 – Nous traversons divers pays entre autres Vranja et plusieurs petits patelins serbes où nous sommes très bien reçus par la population.

Le 24 novembre – Nous cantonnons à Leskovac où nous sommes logés confortablement dans les maisons Je suis de garde et ne puis aller visiter la ville.

Le 25 – Nous quittons la ville à 11 heures du matin On nous dit qu’il y a deux étapes avant d’arriver à Nis. Nous cantonnons dans un petit village où nous sommes assez bien logés mais le temps est très mauvais et on tire la langue car il n’y a plus de pinard ni de pain on mange la soupe sans pain ni pinard.

Le 26 – Repos. Je suis de jour et je suis ennuyé car je voudrais me reposer  et je ne le peux. On attend le courrier avec impatience ainsi que le pinard.

Le 27 repos. Il fait un temps épouvantable et on souffre du froid n’ayant pas de gilet de laine.

Le 28 – Départ à 7 heures pour le cantonnement dans la direction de Nis où nous arrivons à dix heures. On cantonne dans un des bâtiments d’une caserne serbe anciennement occupée par les Boches. Les moutons réquisitionnés pour la batterie logent avec nous.

Le 29 – Nous quittons Nis et prenons la route de Belgrade. On cantonne à Drazevac J’ai une bonne petite chambre pour ma pièce avec beaucoup de paille (car je suis en même temps brigadier de la première pièce) La batterie arrive à seize heures L’on mange bien et l’on dort bien. Enfin les poilus sont contents de leur brigadier.

Le 30 – Nous quittons le pays à 10 heures trente pour filer plus loin à Alexinac. Je ne fais plus le cantonnement étant fatigué et je fais l’étape à pied avec la batterie. On arrive à Alexinac assez fatigués après avoir marché dans la boue. Le mauvais temps continue à persister et la neige tombe toujours.

Le 1er décembre – Départ à 11 heures toujours mauvais temps. On cantonne à Rasnia. C’est dur de souffrir ainsi après la guerre finie et avec un officier qui nous fait toutes les misères qu’il peut. Je me suis fait attraper parce que mes étriers n’étaient pas astiqués Forcement, n’ayant pas le temps et avec la boue jusqu’à mi-jambe de mon cheval.

Le 2 décembre – On quittera Rasnia pour aller cantonner dans un petit pays où l’on loge dans une bonne piaule.

Le 3 – On continue les étapes par le même temps. Les routes sont des rivières de boue. On arrive à Paracin où l’on cantonne dans une verrerie boche.

Le 4 – Repos. Je me fais porter malade ayant des douleurs dans les jambes provoquées par les pieds mouillés. Le major dit que c’est de la sciatique. Nous devons arriver à Semendria (aujourd’hui Smederevo) sur le Danube pour le neuf décembre. Le moral est bas car on à pas eu des nouvelles de la famille depuis Prilep.

Le 5 – On quitte Paracin à 11 heures et on a pas mal de kilomètres à faire. On cantonne à Jagodina. Après avoir traversé Caprija village assez important ; Le temps continue toujours à être très mauvais. On loge assez bien mais on a rien à croûter.

Le 6 – Départ de Jagodina à huit heures. Je vais recommencer le cantonnement mais cette fois à pied. J’aime autant cela car mon cheval a cassé la jambe au fourrier et je ne tiens pas à en faire autant. On fait trente kilomètres et on cantonne à Lapovo tout près de la voie ferrée Nis – Belgrade Qui est en partie détruite par les Boches. On loge dans une usine dans une salle de danse aménagée par les Boches mais qui a l’avantage de posséder une énorme poele qu’on a vite fait de faire ronfler ce qui n’est à détester par le froid qu’il fait.

Le 7 – jour de repos. Le temps est nettoyé. Il a même bien gelé. Nous nettoyons nos effets pleins de ligne et notre linge ; chose que l’on n’avait pu faire depuis longtemps le soleil n’ayant pas voulu se montrer.

Le 8 – Départ à huit heures pour Palanka à 30 kilomètres de Saprovo. Je continue à faire le cantonnement à pied. Les batteries arrivent à 18 heures en pleine nuit. Nous cantonnons dans des cafés

Le 9 – Départ pour Myaïlovatz étape de vingt kilomètres. Nous cantonnons chez des civils qui nous reçoivent à merveille et nous distribuent du pinard et de la paille pour nous coucher.

Le 10 – Départ pour Smederevo étape de 15 kilomètres. Je fais toujours la route à pied et j’ai hâte d’être arrivé car c’est la dernière étape et j’ai les pieds fatigués. Le cantonnement est parfait et vite établi. La ville n’est pas mal Le Danube passe près de là et c’est là que nous devons embarquer.

Le 11 – repos. Je suis de jour et je n’ai pas le temps de me nettoyer et  de visiter la ville. Toujours pas de lettres le moral s’abaisse.

Le 13 – Je vais à une corvée de foin à un village voisin de Smederevo. Nous sommes très bien reçus par les habitants qui nous donnent du vin et à manger ; je rentre avec mes camarades ayant un petit verre dans le nez.

Le 14 – Je suis de garde de police.

Le 16 – Embarquement à Smederevo à bord de péniches pour l’Autriche. On part à 11 heures 45 l’on dépasse Belgrade dans la nuit et l’on met l’ancre à Semlin petit pays sur le Danube où l’on dort toute le nuit.

Le 17 – Le remorqueur vient nous chercher et l’on repart à 11 heures. Le voyage est assez agréable surtout qu’il fait beau.

Le 18 – Après avoir passé la nuit on repart à 5 heure et on arrive à Neusath (Yj-videth), grande ville importante sur la rive gauche du Danube. On s’aperçoit que le chemin de fer fonctionne et cela nous égaie. On y passe la nuit assez bien. On se couche de bonne heure car il fait mauvais temps.

Le 19 – On repart de Neusath à neuf heures pour notre destination. Il refait beau et l’on est bien content de se distraire en se promenant sur le pont en regardant le paysage. On s’arrête à vingt heures pour passer la nuit le bateau ne marchant pas la nuit.

Le 20 - Nous repartons à huit heures avec l’espoir d’arriver à destination bien que notre remorqueur n’ait guère de force à nous trainer. La vitesse est de deux kilomètres à l’heure. Vers treize heures nous apercevons Palanka dans le lointain. C’est là que nous devons débarquer. A quinze heures nous débarquons sans trop de difficultés et mettons pied sur le territoire hongrois. A quatre heures la colonne démarre en route pour Palanka à deux kilomètres du Danube. La ville est très bien installée mais je ne puis la voir bien car il se fait sombre.

Le 21 – Nous cantonnons dans un lycée où nous sommes très bien logés. Certains camarades disent qu’ils ont été bien reçus par les habitants qui leur ont offert des tas de choses et un bon lit. Autre chose d’intéressant est que le pain est délicieux et blanc comme de la neige. On le mange comme du gâteau car durant notre séjour en Serbie nous en avons mangé du très noir et plein de sable si bien que les dernières boules qui nous restent sont données aux chevaux. Nous avons l’espoir de séjourner à Palanka un bon moment et d’y avoir notre courrier.

Le 23 – Je vais poser la ligne téléphonique du commandant avec des poilus. Il fait un froid de loup. Je rentre à midi pour la soupe et je m’aperçois que la tête me tourne et je rends mon déjeuner. Le soir je fais venir le major qui me prends ma température et ne me trouve rien d’anormal.

Le 24 – Ca ne va pas mieux mais la température se lève et je ne tiens plus sur mes jambes tellement j’ai de fièvre.

Du 25 au 28 – Toujours de plus en plus malade si bien que je ne puis fêter la Noël avec mes camarades ni même goûter à l’oie que le capitaine nous a trouvé.

Le 28 – Je suis évacué sur l’hôpital de Neusath où j’arrive très fatigué à cause du trajet en auto. Je me couche sur un lit jusqu’au lendemain matin. On me mène ensuite à l’hôpital principal.

Le 29 – Je suis donc rentrant et je passe la visite lundi. Le major me trouve une pneumonie grippale et je suis aussitôt bien couché et bien soigné. C’est d’ailleurs un très très bon major et j’ai l’espoir de m’en sortir

Année 1919

Le 1er janvier – Je passe ce jour à l’hôpital où je ne m’amuse guère.

Le 5 – Je reçois quantité de lettres c’est à dire mon courrier en retard depuis le trois novembre J’en suis heureux et je dépouille tout cela avec joie.

Le 15 – nous changeons d’ambulance et nous regrettons l’ancienne car on était mieux soigné. Je commence à manger ayant été jusque là complètement au lait ;

Le 16 – Le major doit me proposer pour la commission de rapatriement mais pas de suite car je suis encore faible. J’en suis très heureux car j’ai hâte de quitter cette armée d’Orient ; ma sante est meilleure et j’ai l’espoir que bientôt je serai assez d’aplomb.

Le 30 – J’ai une petite rechute avec 39,7 de fièvre qui est bien vite abattu par les ventouses scarifiées et les potions.

Le 31 -  Le major me propose pour la commission de rapatriement qui a lieu le lendemain.

Le 1er février – Je passe la commission et je suis accepté ; cela m’a guéri sur le moment tellement j’étais heureux de quitter l’hôpital pour la France.

Le 2 février – Je me repose bien pour être dispos pour le départ. Le médecin-chef nous annonce notre départ pour le lendemain à neuf heures trente.

Le 3 – Je me prépare à partir. Je mange avant le départ et on vient nous chercher à dix heures trente. Nous embarquons dans les autos qui nous mènent jusqu’à la gare de Neusath où nous prenons un train sanitaire autrichien assez mal agencé. Je suis placé dans un ancien wagon de marchandises possédant huit couchettes dégoûtantes. Tant pis, je prends la plus propre et je me couche attendant le départ qui a lieu à quatre heures ; Nous avons la soupe à huit heures pendant un moment d’arrêt ; C’est bien préparé mais rien à boire. Une fois le repas terminé on s’endort.

Le 4 – On se réveille à huit heures du matin ; l’infirmière nous apporte du café au lait que nous dégustons avec un peu de pain. Je n’ai pas souffert durant la nuit à part ma jambe qui m’a fait un peu de mal. Nous continuons notre voyage, impatients d’arriver à Fimme.

Le 5 - Nous croyons arriver à Fimme à huit heures mais nous sommes vite dissuadés car nous restons six heures dans une gare. Le train repart à onze heures. A deux heures nous mangeons la soupe et à quatre heures nous sommes à Fimme.

Nous sommes  arrivés au courant du voyage à toucher quatre quarts de pinard. Je débarque sans trop de difficultés car je souffre de la jambe n’ayant pas été pansé depuis trois jours. Nous nous dirigeons vers l’ambulance. 2/57 à proximité de la gare. Nous sommes bien reçus et nous devons rester quelques jours pour nous reposer et attendre notre départ définitif.

Le 6 – Je continue de me remettre par les bons soins de l’ambulance et l’appétit revient petit à petit. Je suis bien aise car je veux être fort pour rentrer en France.

Le 9 – Toujours rien de nouveau pour notre départ. Nous nous impatientons.

Le 11 – On nous annonce que l’hôpital est consigné pour quelques jours ce qui ne nous plais encore guère mais on se résignera à attendre.

Le 17 – Des bruits courent que l’on va bientôt partir mais ce qu’on sait c’est que ce ne sera pas par bateau hôpital mais par train sanitaire ou bateau ordinaire. On se réjouit un moment mais on a peur que cela ne soit pas vrai et on s’inquiète.

Le 19 – Le major nous annonce que nous partons le lendemain par bateau de permissionnaire. Nous sommes heureux.

Le 20 – Départ de l’hôpital à deux heures par un temps épouvantable ; heureusement que je prends une auto ayant mal à la jambe. Nous embarquons à bord du Galicia, ancien bateau autrichien armé par les italiens. Nous sommes très mal à bord ayant comme couchette des plaques de blindage du pontet comme nourriture du singe froid et du pain. Nous sommes 122 malades dans ces conditions.

Le 21 – Nous quittons Fimmes à six heures du matin toujours par mauvais temps. La mer est calme comme de l’huile et le voyage plaisant le jour bien qu’il pleuve. Nous passons en face de Pola où nous voyons la rade possédant plusieurs bâtiments de guerre. Nous continuons notre voyage et arrivons à Rovigno où nous nous arrêtons  pour passer la nuit. Le régime est toujours le même. Et plusieurs malades s’en ressentent parla fièvre et douleurs dans l’estomac. Je fais de mon mieux étant chef de détachement de 24 poilus. La nuit se passe bien malgré la dureté du couchage.

Le 22 – Départ de Rovigno à 5 heures 30. Nous traversons alors l’Adriatique pour rejoindre Venise où nous devons débarquer. Nous y arrivons à 4 heures, le pilote nous fait rentrer au port mais nous ne pouvons apprécier la beauté de la ville à cause du brouillard. Nous accostons et sommes obligés de passer le nuit dans le vapeur.

Le 23 – Débarquement à huit heures. Nous poireautons jusqu’à midi sur le quai attendant le chaland qui doit venir nous chercher et nous gelons de froid. Enfin le chaland s’amarre et nous conduit dans la ville au gîte d’étapes où nous déjeunons. Nous sommes très bien reçus. Le major vient nous voir et dit à ceux qui sont malades de venir passer la visite et qu’il les évacuera selon leur cas le voyage se faisant encore dans des mauvaises conditions. Je passe donc la visite avec plusieurs camarades. Il me trouve des râles et me fait mettre des ventouses.

Le 24 – Je retourne à la visite le major m’ayant dit d’y revenir. Il m’ausculte et m’évacue avec trois poilus sur l’ambulance de Virence. Nous déjeunons avant de partir et prenons le bateau à 10 heures 30. Nous avons le plaisir de traverser les plus beaux quartiers de Venise par un beau soleil. Nous allons à la gare où je vais trouver le commissaire qui nous place dans un compartiment de deuxième classe. Nous arrivons à Virence à deux heures de l’après-midi. On se enseigne au gite d’étape qui nous fait venir une auto de l’ambulance. Nous y embarquons et rejoignons l’hôpital où nous sommes parfaitement reçus. Nous dinons bien et nous nous couchons dans un bon plumard.

Le 27 – Nous quittons l’hôpital de Virence après avoir passé un bon séjour et sommes évacués à Milan. Nous y arrivons à 10 heures par l’express ensuite nous sommes conduits à l’hôpital Andrea Costa par auto. Ce qui est ennuyeux c’est que nous n’avons rien eu à diner et nous avons faim. On nous donne quand même un quart de thé au rhum qui nous fait du bien et on se couche la dessus.

Le 28 – Après avoir passé un bon nuit dans un bon plumard nous nous préparons à passer la visite mais le major venant très tard va déjeuner avec un appétit féroce.

Le 5 mars – Nous quittons l’hôpital de Milan pour rejoindre la France. On nous fait embarquer la soir dans un train où on nous fait attendre jusqu’au lendemain matin.

Le 6 – Départ à 3 heures 30 le matin. Nous arrivons à Turin vers onze heures. Nous y séjournons deux heures pour casser la croûte. Mai je me suis senti malade comme un chien au départ du train et je me soulage en route. Enfin j’arrive à Modane après avoir traversé le tunnel du Mont Cenis assez bien portant. Nous repartons vers sept heures pour Lyon En route nous arrêtons à onze heures à Chambery où nous prenons une tasse de chocolat qui nous fait grand bien

Le sept – Nous arrivons à Lyon Brotteaux à une heure trente du matin. On nous loge dans une salle d’attente chauffée où nous attendons jusqu’à huit heures heure à laquelle on doit venir nous chercher. Je prends une auto avec plusieurs du mes camarades et l’on nous dirige dans la banlieue de Lyon à Caluire à la maison de retraite des frères. Nous y sommes bien reçus mais comme nourriture et comme couchage cela ne vaut pas Milan. C’est plutôt un dépôt de convalescents.

Le 8 – Le major nous la visite et je lui demande de partir en convalo. Il me l’accorde : je serai proposé à la prochaine commission.

Le 12 – Je passe la commission de convalescence et je suis proposé pour 45 jours. A cet occasion je vais de l’autre côté de Lyon à l’Exposition, centre de reforme.

Le 13 – Je passe une autre commission et je suis accepté pour 45 jours. Je suis heureux car c’est le lendemain que je pars.

Le 14 – Je m’embarque à la gare de Lyon – Perrache pour la direction de Saumur à 10 heures 45 et j’y arrive le lendemain matin à 6 heures 30.

Le 15 – Je dois passer à Saumur 45 jours de convalescence du 15 mars au 28 avril.

 Épilogue.

Ainsi se termine mes notes de guerre cette dernière étant terminée. Je n’attends plus que la démobilisation dans quelques mois avec impatience. La paix est signée le 24 juin 1919 et la cérémonie a lieu dans quelques jours.

J. Pleyber

Démobilisé à Angers le 10 septembre 1919. 

 

 

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